6- Valets devenus maîtres : L'Île des esclaves

 

Période 6 – Valets devenus maîtres, L’île des esclaves

 

 

 

Complétez ce résumé scène par scène de la pièce.

 

 

 

Scène 1. L’arrivée sur l’île. Après l’avarie de leur chaloupe, Iphicrate et son valet Arlequin échouent sur une île qui est aux mains d’anciens esclaves révoltés. Arlequin échappe au pouvoir de son maître (dernière réplique d’Arlequin : « Doucement ; tes forces sont diminuées, car je ne t’obéis plus, prends-y garde »).

 

Scène 2. Le contrat. Trivelin intervient et désarme Iphicrate, le gouverneur, impose dans l’île la loi qui permet d’inverser les rôles et de donner à chacun un rôle différent de ce qu’il avait au départ… Iphicrate devient ainsi un esclave et Arlequin devient le maître. De même, deux femmes rescapées subissent le même décret : Cléanthis, la servante, devient Euphrosine, et Euphrosine devient Cléanthis.

 

Scène 3. L’épreuve I. C’est au tour de Cléanthis et Euphrosine d’éprouver le contrat nouveau : la première épreuve, consiste à échanger noms, vêtements et conditions sociales, mais aussi pour les maîtres d’entendre les doléances de leurs anciens domestiques. Cléanthis, malgré les souffrances endurées à cause de son ancienne maîtresse, souhaite pardonner : « Eh bien, qu’elle commence toujours par excuser ma rancune ; et puis, moi, je lui pardonnerai quand je pourrai ce qu’elle m’a fait : qu’elle attende. »

 

Scène 4. Le rappel du contrat. Euphrosine espère retrouver sa condition antérieure, ce que lui promet Trivelin, à condition qu’elle aille au bout de l’épreuve, c’est-à-dire qu’elle reconnaisse que ce qui a été dit par Cléanthis est juste.

 

Scène 5. L’épreuve II. Trivelin engage Arlequin à décrire ses relations avec son ancien maître. Et Iphicrate va s’humilier et reconnaître que le portrait est conforme à la réalité. Voilà Arlequin satisfait…

 

Scène 6. La satire. Le thème du « théâtre dans le théâtre » joue à plein dans cette pièce, dans cette scène tout particulièrement. En effet, Arlequin joue ici volontiers à être Iphicrate et Cléanthis à être Euphrosine, dans un échange sentimental en termes galants : « Tenez, tenez, promenons-nous plutôt de cette manière-là, et tout en conversant vous ferez adroitement tomber l’entretien sur le penchant que mes yeux vous ont inspiré pour moi. » À la fin de la scène, Arlequin avoue qu’il aime la maîtresse de Cléanthis, la servante reconnaissant la même inclination pour l’ancien maître.

 

Scène 7. La décision des nouveaux maîtres. Cléanthis annonce à Euphrosine qu’elle la destine à Arlequin, justifiant ce choix par la nécessité pour Euphrosine de fréquenter des hommes moins hypocrites.

 

Scène 8. Tentative de séduction. Arlequin blesse et effraie Euphrosine, en tentant de gagner son amour.

 

Scène 9. Le renoncement d’Arlequin. Arlequin cherche à contraindre Iphicrate à une union avec Cléanthis, ce qui révolte l’ancien maître, qui rappelle à Arlequin leur amitié. Arlequin touché pour la deuxième fois, renonce à sa condition de maître.

 

Scène 10. Dernières résistances. Arlequin convainc difficilement Cléanthis de pardonner à son ancienne maîtresse.

 

Scène 11. Morale de la pièce. Les maîtres ont compris leurs erreurs passées, les domestiques ont su pardonner : Trivelin conclut que priment sur les rapports hiérarchiques les valeurs humaines, comme celles qu’ont démontré les deux binômes. Le groupe, réconcilié, repartira en direction d’Athènes.

 

 

 

Pour la séance 2 :

 

Travail d'écriture (sur feuille ou via l'ENT) : qu'a voulu montrer Marivaux en créant cette courte

 

pièce ? Documentez-vous sur les conditions d'écriture et de représentation, ainsi que sur la

 

société de 1725, puis répondez à cette questions en 10 à 12 lignes.

 

 

 

 

 

Séance 3 – Les intentions de Marivaux

 

Qu'a voulu montrer Marivaux en créant la pièce L’Île des esclaves en 1725 ?

 

 

 

Rire et apprendre d’une mortification

 

 

 

L’Île des esclaves est une utopie qui transporte le spectateur sur une île antique où l’ordre social est renversé : les maîtres deviennent esclaves et les esclaves deviennent maîtres. En créant cette courte pièce de théâtre, Marivaux a voulu montrer et dénoncer les inégalités sociales, la cruauté des puissants et de manière générale le comportement des gens quand l’ordre social est bouleversé.

 

Au début du XVIIIe siècle, notamment à partir de 1709, la censure des œuvres écrites par le pouvoir en place menace les auteurs dramatiques qui auraient l’intention de représenter la société contemporaine sur la scène. Marivaux renouvelle dans sa pièce le canevas et les lazzis (plaisanteries grossières) de la commedia dell'arte (théâtre populaire italien né au XVIe siècle) pour faire réfléchir les spectateurs à de nouveaux rapports sociaux au moyen de l'utopie. Il faut rappeler que le dramaturge collabore avec la troupe des Comédiens-Italiens depuis 1720. Marivaux reprend aussi un thème à la mode dans les années 1720 : le naufrage sur une île inconnue (rappelons que Robinson Crusoé de Daniel Defoe a été publié en 1719). Cependant cette île ne nous fournit pas une ample matière exotique : le lieu est unique et simple (« une mer et des rochers d’un côté, et de l’autre quelques arbres et des maisons).

 

Enfin L’Île des esclaves exploite la référence aux Saturnales, fête de la Rome antique où les esclaves et les maîtres échangeaient leur rôle pendant un moment. Marivaux réunit donc ces traditions pour estomper l'acidité de sa critique sociale au moment où les oeuvres de Montesquieu expriment une autre virulence sur d’autres aspects de la société française et son mode de gouvernement.

 

Marivaux compose l’essentiel de son œuvre sous la Régence (1715-1723) et dans les premières années du règne de Louis XV. Ce roi suscite de grands espoirs et sa politique, dirigée par son principal ministre Fleury (de 1726 à 1743), apporte la prospérité au royaume.

 

Mais les inégalités sociales demeurent, dans cette société française qui vit selon les règles de la monarchie absolue de droit divin. Marivaux y est sensible, et envisage, à l’âge de trente-sept ans, de composer une comédie de mœurs, quatre ans après la publication des Lettres persanes de Montesquieu.

 

Comme dans le roman épistolaire, l’éloignement géographique (nous sommes sur une île grecque imaginaire) permet à l’auteur une certaine liberté de ton, mais l’échange des rôles va autoriser Marivaux à faire le portrait critique des petits maîtres (nobles et grands bourgeois). Marivaux critique notamment la conversation galante, l’esprit mondain et la superficialité des « coquettes ».

 

Ces onze scènes peuvent donc être vues et lues comme une satire sociale. En effet, Marivaux inscrit son intrigue dans le contexte social du siècle, où le maître conserve encore tout pouvoir sur son serviteur. Pourvu que le maître ait définitivement admis que tout homme, même un serviteur, mérite qu’on reconnaisse sa dignité ; pourvu que le valet sache pardonner son maître de ses injustices, chacun retrouvera son costume et son rang social d’origine.

 

Un personnage -un zanni (valet rusé de la commedia dell’arte)- tient le rôle de maître du jeu, toujours à distance des quatre principaux personnages : Trivelin. Ce maître de l’île où l’expérience de l’échange des rôles est obligatoire, intervient à chaque étape, et, dans la dernière scène, tire la leçon de cette comédie carnavalesque : « je n'ai rien à ajouter aux leçons que vous donne cette aventure. Vous avez été leurs maîtres, et vous en avez mal agi ; ils sont devenus les vôtres, et ils vous pardonnent ; faites vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n'est qu'une épreuve que les dieux font sur nous […] ». Les vertus morales (respect de l’autre, compassion, reconnaissance du bienfait, pardon) que cette double mortification a fait acquérir aux quatre personnages priment donc sur les rapports hiérarchiques.

 

Rappelons que le terme « esclave », omniprésent, ne manque pas de faire allusion au commerce triangulaire qui permet à l’époque l’enrichissement des grandes puissances européennes.

 

Cette comédie fut représentée pour la première fois le 5 mars 1725, à l'Hôtel de Bourgogne par les Comédiens-Italiens, ce qui explique l’heureuse union de la bouffonnerie et du sublime, très sensible dans cette œuvre rapide et intense. Les deux domestiques animent l’intrigue : Cléanthis par le portrait piquant et drôle qu’elle fait de sa maîtresse, Arlequin (valet pauvre et insolent de la commedia dell’arte) en pardonnant à son maître et en lui rendant son pouvoir. La générosité du serviteur est contagieuse : elle conduit rapidement à un dénouement heureux.

 

 

 

Séance 4 – Préparation de dictée

 

 

 

– Que me voulez-vous ?

 

 

 

– Eh, eh, eh, ne vous a-t-on pas parlé de moi ?

 

 

 

– Laissez-moi, je vous prie.

 

 

 

– Eh là, là ; regardez-moi dans l’oeil pour deviner ma pensée.

 

 

 

– Eh, pensez ce qu’il vous plaira.

 

 

 

– M’entendez-vous un peu ?

 

 

 

– Non.

 

 

 

– C’est que je n’ai encore rien dit.

 

 

 

– Ahi !

 

 

 

– Ne mentez point ; on vous a communiqué les sentiments de mon âme, rien n’est plus obligeant pour vous.

 

 

 

 

 

 

 

Séance 4 – Explication linéaire 7

 

 

 

Scène III 

 

Trivelin, Cléantis, esclave, Euphrosine, sa maîtresse.

 

 

 

TRIVELIN 

 

Ah ça ! ma compatriote, car je regarde désormais notre île comme votre patrie -, dites-moi aussi votre nom. 

 

CLÉANTHIS, saluant. 

 

Je m'appelle Cléanthis ; et elle, Euphrosine. 

 

TRIVELIN 

 

Cléanthis ? passe pour cela. 

 

CLÉANTHIS 

 

J'ai aussi des surnoms ; vous plaît-il de les savoir ? 

 

TRIVELIN 

 

Oui-da. Et quels sont-ils ? 

 

CLÉANTHIS 

 

J'en ai une liste : Sotte, Ridicule, Bête, Butorde, Imbécile, et cætera. 

 

EUPHROSINE, en soupirant. 

 

Impertinente que vous êtes ! 

 

CLÉANTHIS 

 

Tenez, tenez, en voilà encore un que j'oubliais. 

 

TRIVELIN 

 

Effectivement, elle vous prend sur le fait. Dans votre pays, Euphrosine, on a bientôt dit des injures à ceux à qui l'on en peut dire impunément. 

 

EUPHROSINE 

 

Hélas ! que voulez-vous que je lui réponde, dans l'étrange aventure je me trouve ? 

 

CLÉANTHIS 

 

Oh ! dame, il n'est plus si aisé de me répondre. Autrefois il n'y avait rien de si commode ; on n'avait affaire qu'à de pauvres gens : fallait-il tant de cérémonies ? « Faites cela, je le veux ; taisez-vous, sotte» Voilà qui était fini. Mais à présent, il faut parler raison ; c'est un langage étranger pour Madame ; elle l'apprendra avec le temps ; il faut se donner patience : je ferai de mon mieux pour l'avancer. 

 

TRIVELIN, à Cléanthis. 

 

Modérez-vous, Euphrosine. (À Euphrosine.) Et vous, Cléanthis, ne vous abandonnez point à votre douleur. Je ne puis changer nos lois, ni vous en affranchir : je vous ai montré combien elles étaient louables et salutaires pour vous. 

 

CLÉANTHIS 

 

Hum ! Elle me trompera bien si elle amende. 

 

TRIVELIN 

 

Mais comme vous êtes d'un sexe naturellement assez faible, et que par là vous avez céder plus facilement qu'un homme aux exemples de hauteur, de mépris et de dureté qu'on vous a donnés chez vous contre leurs pareils, tout ce que je puis faire pour vous, c'est de prier Euphrosine de peser avec bonté les torts que vous avez avec elle, afin de les peser avec justice. 

 

Marivaux, L’Île des esclaves (1725)

 

 

 

 

 

Pour la séance 5

 

-Préparer l’introduction de l’explication linéaire (un élève).

 

-Question de grammaire : repérer et analyser les marques de l’interrogation.

 

 

Séance 3 – Les intentions de Marivaux

 

Qu'a voulu montrer Marivaux en créant la pièce L’Île des esclaves en 1725 ?

 

 

 

Rire et apprendre d’une mortification

 

 

 

L’Île des esclaves est une utopie qui transporte le spectateur sur une île antique où l’ordre social est renversé : les maîtres deviennent esclaves et les esclaves deviennent maîtres. En créant cette courte pièce de théâtre, Marivaux a voulu montrer et dénoncer les inégalités sociales, la cruauté des puissants et de manière générale le comportement des gens quand l’ordre social est bouleversé.

 

Au début du XVIIIe siècle, notamment à partir de 1709, la censure des œuvres écrites par le pouvoir en place menace les auteurs dramatiques qui auraient l’intention de représenter la société contemporaine sur la scène. Marivaux renouvelle dans sa pièce le canevas et les lazzis (plaisanteries grossières) de la commedia dell'arte (théâtre populaire italien né au XVIe siècle) pour faire réfléchir les spectateurs à de nouveaux rapports sociaux au moyen de l'utopie. Il faut rappeler que le dramaturge collabore avec la troupe des Comédiens-Italiens depuis 1720. Marivaux reprend aussi un thème à la mode dans les années 1720 : le naufrage sur une île inconnue (rappelons que Robinson Crusoé de Daniel Defoe a été publié en 1719). Cependant cette île ne nous fournit pas une ample matière exotique : le lieu est unique et simple (« une mer et des rochers d’un côté, et de l’autre quelques arbres et des maisons).

 

Enfin L’Île des esclaves exploite la référence aux Saturnales, fête de la Rome antique où les esclaves et les maîtres échangeaient leur rôle pendant un moment. Marivaux réunit donc ces traditions pour estomper l'acidité de sa critique sociale au moment où les oeuvres de Montesquieu expriment une autre virulence sur d’autres aspects de la société française et son mode de gouvernement.

 

Marivaux compose l’essentiel de son œuvre sous la Régence (1715-1723) et dans les premières années du règne de Louis XV. Ce roi suscite de grands espoirs et sa politique, dirigée par son principal ministre Fleury (de 1726 à 1743), apporte la prospérité au royaume.

 

Mais les inégalités sociales demeurent, dans cette société française qui vit selon les règles de la monarchie absolue de droit divin. Marivaux y est sensible, et envisage, à l’âge de trente-sept ans, de composer une comédie de mœurs, quatre ans après la publication des Lettres persanes de Montesquieu.

 

Comme dans le roman épistolaire, l’éloignement géographique (nous sommes sur une île grecque imaginaire) permet à l’auteur une certaine liberté de ton, mais l’échange des rôles va autoriser Marivaux à faire le portrait critique des petits maîtres (nobles et grands bourgeois). Marivaux critique notamment la conversation galante, l’esprit mondain et la superficialité des « coquettes ».

 

Ces onze scènes peuvent donc être vues et lues comme une satire sociale. En effet, Marivaux inscrit son intrigue dans le contexte social du siècle, où le maître conserve encore tout pouvoir sur son serviteur. Pourvu que le maître ait définitivement admis que tout homme, même un serviteur, mérite qu’on reconnaisse sa dignité ; pourvu que le valet sache pardonner son maître de ses injustices, chacun retrouvera son costume et son rang social d’origine.

 

Un personnage -un zanni (valet rusé de la commedia dell’arte)- tient le rôle de maître du jeu, toujours à distance des quatre principaux personnages : Trivelin. Ce maître de l’île où l’expérience de l’échange des rôles est obligatoire, intervient à chaque étape, et, dans la dernière scène, tire la leçon de cette comédie carnavalesque : « je n'ai rien à ajouter aux leçons que vous donne cette aventure. Vous avez été leurs maîtres, et vous en avez mal agi ; ils sont devenus les vôtres, et ils vous pardonnent ; faites vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n'est qu'une épreuve que les dieux font sur nous […] ». Les vertus morales (respect de l’autre, compassion, reconnaissance du bienfait, pardon) que cette double mortification a fait acquérir aux quatre personnages priment donc sur les rapports hiérarchiques.

 

Rappelons que le terme « esclave », omniprésent, ne manque pas de faire allusion au commerce triangulaire qui permet à l’époque l’enrichissement des grandes puissances européennes.

 

Cette comédie fut représentée pour la première fois le 5 mars 1725, à l'Hôtel de Bourgogne par les Comédiens-Italiens, ce qui explique l’heureuse union de la bouffonnerie et du sublime, très sensible dans cette œuvre rapide et intense. Les deux domestiques animent l’intrigue : Cléanthis par le portrait piquant et drôle qu’elle fait de sa maîtresse, Arlequin (valet pauvre et insolent de la commedia dell’arte) en pardonnant à son maître et en lui rendant son pouvoir. La générosité du serviteur est contagieuse : elle conduit rapidement à un dénouement heureux.