Séance 3 – Analyse du sujet de réflexion, vers le plan détaillé
a) Avant d'entamer la rédaction d'une argumentation, il est bon d'analyser l'énoncé du sujet, c'est-à-dire la question qui vous est posée. Examinons deux énoncés traitant de Zola et du réalisme.
b) Le plan constitue la direction que vous imposez au fil de votre argumentation. Il dépend de la question posée dans le sujet qui vous sera donné.
Les types de plans possibles :
.plan dialectique : c'est le plan "thèse/antithèse/synthèse" : on examine la validité d'un jugement. On reconnaît aussi ce type de plan au libellé du sujet : les questions "Pensez-vous que... ?", "Quelle est votre opinion au sujet de... ?". Il vous faudra confronter les thèses avant d'exprimer nettement un avis personnel.
.plan comparatif / alterné : établit un parallèle constant entre deux notions. Ce plan les examine successivement dans les deux premières parties avant d'élaborer une synthèse personnelle qui essaiera d'établir leurs points majeurs de ressemblance ou de discordance et de proposer un dépassement.
.plan thématique : s'apparente à l'exposé. Il ne demande pas de discuter une thèse mais plutôt de l'étayer, c'est-à-dire de fournir un certain nombre d'arguments organisés capables de valider le jugement ou de répondre à la question. On reconnaît ce type de plan au libellé du sujet : ce peut être une question ("Qu'est-ce qu'un grand roman ?"; "Qu'est-ce qu'une œuvre engagée ?") ou une invitation à vérifier une affirmation ("En quoi a-t-on raison d'affirmer que...", "Montrez, commentez ou justifiez ceci...").
.plan analytique : propose d'examiner une notion en en envisageant les causes, les manifestations qui en découlent, avant de proposer d'éventuelles solutions. Pour ces raisons, il est moins familier de la dissertation littéraire.
Sujet 1 : Que pensez-vous de cette définition de Baudelaire : «Un certain procédé littéraire appelé réalisme, - injure dégoûtante jetée à la face de tous les analystes, mot vague et élastique qui signifie pour le vulgaire, non pas une méthode nouvelle de création, mais une description minutieuse des accessoires » ? Présentez votre réflexion dans un développement en trois parties.
Sujet 2 : Expliquez et discutez cette phrase de Maupassant extraite de la préface de Pierre et Jean : « Le réaliste, s’il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même ». Illustrez vos arguments à l'aide d'exemples tirés du cycle des Rougon-Macquart.
Thème principal
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La manière d'écrire de l'artiste réaliste
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Thème(s) secondaire(s)
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-déf. incomprise du réalisme -renouvellement de la littérature -les descriptions réalistes |
-le réalisme comme photographie du réel -le réalisme comme vision subjective du réaliste |
Mots-clefs
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La thèse de départ |
Le réalisme est mal interprété, mal compris.
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Le réalisme n'exclut pas l'exceptionnel et résulte du passage de la réalité à travers le tempérament de l'artiste.
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Un ou plusieurs arguments étayant la thèse ? |
-terme vague -insulte -compilation du réel |
Une combinaison de vraisemblance, de construction rigoureuse, d'exceptionnel. |
Consignes de composition
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Présentez votre réflexion dans un développement en trois parties. Que pensez-vous ?
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Illustrez vos arguments … Rougon-Macquart. Expliquez et discutez |
Type de plan envisageable |
Plan dialectique : « Les limites du réalisme » I. Thèse (pour Baudelaire) : le réalisme est incompris. II. Les défauts de l'oeuvre réaliste. III. Dépassement de la question : le réalisme ne se suffit pas à lui-même (peu d'oeuvres littéraires ne sont que réalistes). |
Plan thématique : Qu'appelle-t-on « œuvre réaliste » ? I. Une œuvre pas tjours vraisemblable. II. Une œuvre qui déforme la réalité par le biais du tempérament de l'artiste. III. Dépassement de la question : le réalisme ne se suffit pas à lui-même (peu d'oeuvres littéraires ne sont que réalistes). |
Corrigé
Thème principal |
Le réalisme et ses limites de représentation |
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Thème(s) secondaire(s)
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La réception de l'oeuvre réaliste par les critiques et les lecteurs. Les procédés d'écriture du réalisme. |
Représentation de la réalité, procédés du réalisme, tempérament de l'artiste |
Mots-clefs
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réalisme, injure dégoûtante, analystes, vulgaire, description minutieuse, méthode nouvelle |
Photographie banale, probante , saisissante, réalité, complète, artiste |
Ce qui est dit sur le thème : thèse |
Le réalisme emploie de nouvelles méthodes d'écriture.
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L'oeuvre réaliste valable cherche à représenter un réel augmenté d'une vision d'artiste. |
Un ou plusieurs arguments étayant la thèse ? |
Le réalisme renouvelle les arts et fait réagir les critiques. |
1. La réalité apparaît à travers le filtre d'un tempérament. 2. La réalité n'est pas toujours vraisemblable. |
Consignes de composition
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Développement en trois parties. |
Vous illustrerez vos arguments à l'aide d'exemples tirés du cycle des Rougon-Macquart. |
Type de plan envisageable |
Plan dialectique I. Thèse (pour Baudelaire) II. Les défauts de l'oeuvre réaliste III. Dépassement de la question : le réalisme ne se suffit pas à lui-même (peu d'oeuvres littéraires ne sont que réalistes). |
Plan thématique : Qu'appelle-t-on « œuvre réaliste » ? I. Une œuvre pas tjours vraisemblable II. Une œuvre qui déforme la réalité par le biais du tempérament de l'artiste III. Dépassement de la question : le réalisme ne se suffit pas à lui-même (peu d'oeuvres littéraires ne sont que réalistes). |
Séance 4 – Bâtir un plan détaillé
1° Analyse du sujet (tableau 1)
Thème principal ⇒ LES ATOUTS DU THÉÂTRE |
Quel genre littéraire, de la tragédie ou de la comédie, a le plus d’atouts selon vous ? Vous répondrez à cette question en rédigeant une introduction, un développement en trois parties (trois arguments-paragraphes par partie) et une conclusion. Vous illustrerez chaque argument à l'aide d'exemples tirés de votre culture personnelle, d'oeuvres lues au collège ou des extraits présents dans le manuel. |
Cinq mots-clefs pour comprendre la question (à surligner) ⇒ |
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Thèmes secondaires implicites ⇒Comparaison entre la tragédie et la comédie
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Ce qui est dit sur le thème : deux thèses possibles ⇒ les deux genres théâtraux comportent des avantages
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Type de plan envisageable ⇒ dialectique |
Consignes de méthode et/ou de présentation ⇒ présentation classique en 3 > 3 > 3 |
3 PARTIES
I. Atouts de la tragédie / Inconvénients de la comédie
II. Atouts de la comédie / Inconvénients de la tragédie
III. Est-ce toujours pertinent d’opposer la tragédie à la comédie ?
Ensemble d'arguments et d'exemples peu développés :
*Les types humains nous viennent en majorité de la comédie. Qu'ils viennent de la comédie ancienne (le Miles Gloriosus, soldat fanfaron des pièces de Plaute) ou de la comédie italienne (Colombine et Arlequin), sans oublier les Alceste, Dom Juan et Sganarelle de Molière, ces êtres curieux dont la vérité psychologique a traversé les siècles, nous les devons aux pièces comiques.
*La tragédie est un genre littéraire et dramatique plus intense en termes d'émotions ressenties.
*La tragédie met en scène des événements rares, forts et extraordinaires, que seuls les puissants sont susceptibles de vivre : le sacrifice d’Iphigénie (Racine, Iphigénie, 1674), dont dépend le départ des Grecs pour la guerre de Troie.
*La comédie a ceci de supérieur qu'elle est plus apte à nous détendre, nous amuser, nous divertir, nous détourner des problèmes du quotidien.
*Un avantage commun aux deux genres, la morale présente à la fin de la pièce. Le Mariage de Figaro de Beaumarchais ne fait pas exception à la règle : le mensonge, l’ingratitude et l’infidélité sont sanctionnés au dénouement de l’intrigue, et Figaro, Suzanne et la Comtesse sont réhabilités dans leur dignité.
*Le caractère de Scapin (Les fourberies de Scapin, de Molière), serviteur malin et sournois, ainsi que les jeux de scène (voir scène de la bastonnade) produisent un comique riche, tenant à la fois de la peinture satirique d'une catégorie sociale et de la farce.
*Le burlesque d'Ubu Roi : il repose sur la transposition d'une pièce du répertoire tragique classique, Macbeth. C'est l'histoire d'un homme qui commet l'irréparable, incité au meurtre par sa femme !
*Le malheur rencontré par des êtres innocents qui s'aiment et qui ne peuvent décider pleinement de ce bonheur est éprouvé avec empathie par le public. On s'identifie plus facilement à des personnages en proie aux vicissitudes du destin qu'à un simple type comique représentant un défaut du genre humain.
*Les événements de la tragédie dépassent l'individu et intéressent le destin collectif, d’un peuple, d’une nation.
*La comédie a un autre avantage sur la tragédie : son ressort parodique (l'art de détourner un genre sérieux en un plus léger).
*On pense au Cid de Corneille (le Cid est le héros espagnol vainqueur des Maures ; interviennent les nobles Don Diègue, père de Rodrigue, Don Gomez et le roi de Castille Don Fernand).
*Le départ d'une armée (Iphigénie), la victoire militaire (Le Cid). Les sujets des comédies ne dépassent jamais le cadre familial (« Une journée chez Harpagon », dans l'Avare), tandis que ceux de la tragédie sont ceux du « grand jour », du « jour où ».
*L'Avare : être avaricieux, c'est être in fine bien seul... ; l'excès d'ambition d'Ubu aboutit à un emballement, une excitation frénétique, qui lui fait tout perdre, biens et pouvoir).
*Associer tragédie à solennité, comédie à simplicité, serait procéder de manière trop réductrice : en effet, pensons aux drames sérieux de Diderot, comme Le père de famille. Il s'agit là d'une comédie qui interroge les droits et devoirs familiaux opposés à la passion amoureuse ; le ton de M. d'Orbesson, le Père de famille est tout à fait digne d'un tragédien !
*Les types restent gravés dans la mémoire du public, souvent avant même les intrigues. Qu'il y ait conflit entre la morale personnelle et la loi et nous songeons à Antigone (Antigone, pièce d'Anouilh), qu'un jeune homme souffre de la destinée et c'est un Hamlet, qu'un homme vertueux veuille corriger ses semblables et le voilà Alceste (protagoniste du Misanthrope) ! Ces types, comiques ou tragiques, traversent les siècles et nous ont été révélés par les grandes oeuvres théâtrales.
*La critique a toujours évolué dans un sens ou dans l'autre : il y eut par exemple les détracteurs de Racine au XVIIème s. ; ils reprochaient à ses pièces l'extrême solennité de la mise en scène et leur froideur : déplacements lents, costumes somptueux, ton pompeux.
*La comédie est souvent « vraie », vraisemblable : les types de l’avare, du bourgeois qui cherche à s’élever socialement (L’Avare ; Le Bourgeois gentilhomme) peuvent être appréciés aujourd’hui.
*Certaines comédies tirent moins en longueur que la tragédie : moins de discours et plus de jeux de scènes (comme dans la farce Les Fourberies de Scapin, de Molière) et de langage familier. Les comédies sont donc souvent plus accessibles.
*Le problème réside dans la volonté de rendre vivantes, naturelles, les scènes représentées et dans la tension existant entre un théâtre trop « écrit » et le pur spectacle, le visuel.
*Les grandes émotions (deuil, générosité, compassion, etc.) brillent par leur absence, dans la plupart des comédies : dans Le Bourgeois gentilhomme (Molière, 1670), nous serions bien en peine d’en trouver.
*Souvent la comédie manque de réalisme ; au XVIIe siècle, ce fut souvent dû aux règles « des trois unités » (de temps, de lieu, d’action), qui contraignaient l’auteur à « serrer » l’ensemble de l’intrigue dans un laps de vingt-quatre heures. Des invraisemblances alors : Rodrigue, dans Le Cid de Corneille (1636), risque deux fois sa vie en vingt-quatre heures : contre le comte, puis contre les Maures.
*Certains dramaturges ont traité des sujets plus simples, ayant trait à la famille (Diderot, Le Fils naturel, 1757). On a parfois appelé ces tragédies des « drames bourgeois ».
*Les auteurs contemporains n’hésitent pas à revenir à un ton assez élevé, à des cadres antiques ou mythologiques, pour exprimer des inquiétudes très modernes, pour nous toucher de façon humaine (Sartre, Camus, Anouilh et son Antigone).
*On ne doit pas choisir entre comédie et tragédie, car bon nombre de comédies comportent une dimension tragique (le George Dandin de Molière, qui ne parviendra jamais à confondre son épouse), et vice-versa. Le public a des goûts complexes (« Qui rit toujours, ou toujours pleure ? » demandait Vigny), que de nombreuses pièces satisfont.
*Bien souvent, comédie et tragédie poursuivent le même objectif : « corriger les vices des hommes », comme le disait Molière. Bien sûr, les moyens diffèrent, mais les morales respectives de George Dandin, L’École des Femmes et Andromaque n’expriment-elles pas les circonstances parfois difficiles qui font que la fidélité peut être mise à mal ?
Corrigé
Thème principal Différences entre tragédie et comédie
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Quel genre littéraire, de la tragédie ou de la comédie, a le plus d’atouts selon vous ? Vous répondrez à cette question en rédigeant une introduction, un développement en trois parties (trois arguments-paragraphes par partie) et une conclusion. Vous illustrerez chaque argument à l'aide d'exemples tirés de votre culture personnelle, d'oeuvres lues au collège ou des extraits présents dans le manuel.
Type de plan envisageable : dialectique (thèse / antithèse / prolongement) |
Thèmes secondaires implicites *la vraisemblance de l'intrigue *le divertissement *le dynamisme des représentations *la profondeur psychologique des personnages *le langage
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Cinq mots-clefs pour comprendre la question |
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Ce qui est dit sur le thème : deux thèses possibles
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Consignes de composition
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Thèse I : Les atouts de la comédie |
Thèse II : Les avantages de la tragédie |
Thèse III : La frontière entre les deux registres ne doit pas nécessairement aboutir à une frontière générique : certaines pièces échappent à leur définition
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Argument 1
Exemple 1 |
La comédie, genre plus accessible.
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Certaines tragédies sont relativement accessibles : le dramaturge emploie un registre de langage courant, fait appel à des anachronismes. |
Certains romans sont construits comme des tragédies : le tragique est perceptible dans d'autres genres. |
Jurons, grossièretés, répliques courtes du Médecin malgré lui.
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Antigone, d'Anouilh (1944) : vocabulaire simple du prologue ; blouson de cuir du garde.
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L'"exposition" tragique de Des souris et des hommes présente les protagonistes dans leur situation inéluctable : Lennie va commettre l'irréparable. |
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Argument 2
Exemple 2 |
La fonction de divertissement plus efficace dans les comédies.
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L'interactivité ou la proximité des personnages et du public, dans certaines tragédies du XXe s.,montre qu'il s'agit d'un genre qui s'est renouvelé. |
Les tragi-comédies se terminent bien et présentent des éléments propres au registre tragique. |
Les fourberies de Scapin et ses nombreux jeux de scène, son intrigue dépaysante. |
Le prologue d'Antigone et ses adresses au public. |
Le Cid, de Corneille : on tremble pour le couple, mais au final on est rassuré. |
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Argument 3
Exemple 3 |
La force de la comédie consiste en son ressort parodique, et plus généralement satirique.
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Certaines tragédies nous font revivre les grands moments de l'Histoire. |
Certaines comédies se terminent mal : fonction de divertissement enrichie d'une qualité, celle de susciter une réflexion sérieuse. |
Macbeth de Shakespeare parodié dans Ubu Roi. Tartuffe de Molière s'en prend aux faux dévots.
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Le Cid : l'invasion de l'Espagne par les Maures au Moyen Âge. |
Les mariages arrangés (mésalliances) entre riches paysans ou bourgeois et nobles désargentés les mésalliances). George Dandin se retrouve à la fin de la pièce totalement désemparé. |
Ces ensembles et sous-ensembles matérialisent les différentes structures possibles d'une phrase.
Etape 1 : trouver des phrases-exemples illustrant chacune de ces structures.
Etape 2 : identifier ces structures à l'intérieur d'un discours écrit ou oral.
Roméo et Juliette, la pièce emblématique de William Shakespeare écrite en 1597, est restée à travers les siècles un classique de la tragédie. On connaît tous grâce à notre propre culture une œuvre nous rappelant Roméo et Julietteet qui nous feraitdouter de son originalité. En effet, l'amour impossible et les rivalités familiales ont déjà étéle sujet de nombreusestragédies et comédies.
Mais cette œuvre est-elle une invention complète du génie shakespearien ou est-elle inspirée de fables médiévales, voire antiques ?
Des différences et des points communs entre l’œuvrede Shakespeare et d'autres ouvrages antérieurs se distinguent ; nous examinerons ainsi la nature de l’œuvre, l'évolution du couple et l'importance des événements secondaires.
Certes, plusieurs œuvres antérieures à Roméo et Juliette ont déjà traitédes rivalitésfamiliales et de l'amour impossible. Mais en choisissantla forme d'une pièce de théâtre, Shakespeare devient un innovateur.En effet, Arthur Brooke, poète anglais du XVIesiècle, avait, avant Shakespeare, écrit un poème nomméThe Tragical History of Romeus and Julietqui se trouve être la traduction d'un roman italien écrit par Matteo Bandello. Même si l'histoire est quasiment la même, la version shakespearienne est étoffée de détails liés à la nature du texteafin de la rendre plus riche : nous pensons bien sûr aux scènes comiques faisant intervenir la nourriceou à la scène dite du balcon. Ainsi,bien quel'originalité de l'oeuvrepuisseêtre contredite par la référenceauxmythes antiques, Shakespeare devient un «pionnier» en retranscrivant les poèmes dont il s'inspire pour la scène.
Dans l’œuvrede Shakespeare, Roméo estdéjà épris d'une jeune femme appelée Rosaline lorsqu’il rencontreJuliette de la maison des Capulet. Mais quand il aperçoit cette dernière, tous les sentiments qu'il éprouvait disparaissent instantanément : c'est le coup de foudre. Contrairement à Roméo, Juliette vit làson premier amour, découvre le sentiment amoureux. La force de l'amour présente dans la plupart des dramesdepuis Pyrame et Thisbé(par exemple dans Mariotto et Ganozza)aide les personnages à surmonter les péripéties et les épreuves. Roméo et Juliette, quant à eux, sont aussi habités par cette force mais ils se distinguent des autres par leur jeuneâge. En effet, même si l'âge de Roméo nous est inconnu, Juliette, elle, n'est âgée que de 14 ans. En outre, au fil des pages, on se rend très vite compte que dans Roméo et Juliette,tout est précipité. Cette rapidité dans l'évolution du couple serait-elle une caractéristique propre à l’œuvre du dramaturge anglais Shakespeare ? En effet, dans le mythe Tristan et Yseult, l'évolution de la relation entre les deux protagonistes se compte en années et non en jours comme dans Roméo et Juliette.Une dernière différence ?Malgré l'amour fort entre Tristan et Yseult, ils se marient l'un et l'autre avec d'autres personnages du mythe (Tristan avec Yseult aux Blanches mains et Yseult avec Marc). Contrairement à eux, les amants de Vérone vivent un amour exclusif car même si Juliette est promise à Pâris, elle n'éprouve aucun sentiment envers ce dernier. En somme, si on considère le couple amoureux et son évolution, Shakespeare se démarque de la tradition.
Focalisons-nous pour finirsur l'importancedes événementssecondaires et des péripéties. Bien évidemment, les péripéties ne sont pas aussi importantes que l'histoire principale mais elle font partie intégrante de l’œuvre.Cela étant, dans l'oeuvre médiévale Tristan et Yseult, les péripéties et les événementssecondaires étaient très présents, à relier au caractère quantitatif du poème épique. Cela est aussidûau fait que Tristan est un chevalier -héros par conséquent de scènes de combat-et aux différents mariages qui alimentent principalement l'histoire. Dans Pyrame et Thisbé, les événements secondaires n’occupent pas une très grande place : en effet, l’œuvre est principalement baséesur l'évolution du coupleet les aventures propres aux deux protagonistes. Ainsi, si l'on examine seulement ce critère, Roméo et Juliette perd de son originalité car comme dans Tristan et Yseult, on y relève beaucoup de péripétieset d’événements secondaires. Ànuancer cependant : les événements secondaires comme les personnages secondaires étoffent la pièce, mais pour ce qui est des intermèdes comiques, il faut y voir une pure marque du style shakespearien, soucieux d'apporter variété et légèreté.
Déclarer que les ressemblances entre Roméo et Juliette et d'autres œuvres ne sont que des coïncidences serait une erreur car si on observe de plus près la pièce, on ne peut nier le fait que Shakespeare s'est considérablement inspiré de récits antérieurs. Mais grâce à son style particulier de manier les mots et les registres, Shakespeare a réussi à faire de sa version un classique de la tragédie et plus généralement du théâtre.
Décernons-nous la gloire et la renommée à une œuvre qui ne serait en fait que le résultat d'un mélange, d'un dialogue, d'une interaction de plusieurs récits tragiques ? Contentons-nous de rappeler que l'histoire n'a pas été inventée par William Shakespeare, mais que certains détails et tournures sortent tout droit du génie du dramaturge anglais. Et surtout, sans cette pièce, Zola aurait-il si bien dépeint les amours tragiques de Silvère et Miette dans La Fortune des Rougon ? Bernardin de Saint-Pierre aurait-il aussi puissamment immortalisé, dans son roman Paul et Virginie, l'amour innocent des deux adolescents ?