Parcours 4 - Raison et sentiments

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Parcours 4 - Raison et sentiments (19 mai 2025)
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Le récit de Balzac, tel qu'il parut dans La Presse.

Source : Gallica.

Lecture cursive n°4 – André Breton, Nadja (1928)

 


Personnages en marge, plaisirs du romanesque

Raison et sentiments

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Après une première lecture cursive de Nadja d’André Breton.

  1. « Qui suis-je ? » : le lecteur, après la lecture du livre, connaît-il mieux celui qui énonce cette question ?

    Après la lecture de Nadja, le lecteur ne connaît pas mieux un « je » fixe et clair, mais comprend que celui qui posait la question « Qui suis-je ? » était lui-même dans une quête d’identité, instable et en perpétuel mouvement. Le livre révèle moins un « moi » définitif qu’un processus d’interrogation, d’exploration et d’émerveillement : « qui je ‘‘hante’’ ? » (p. 9) ; « je m’efforce, par rapport aux autres hommes, de savoir en quoi consiste, sinon à quoi tient, ma différenciation » (p. 11) ; « que de la fin août […] à la fin décembre […], j’ai vécu mal ou bien […] des meilleurs espoirs qu’elle préservait » (p. 176).

  2. Pour quelles raisons pouvez-vous considérer ce livre comme un roman ?

Il s’agit d’un roman -dont Breton évoque lui-même le projet en début de récit-, dans la mesure où on a affaire à un long texte rédigé en prose. De plus, Breton y conte une histoire suivant un déroulement chronologique, dont les évènements s’inscrivent dans le cadre d’une narration autobiographique intégrant des personnages présentés comme réels (« Était-il possible qu’il en fût autrement, dès lors que je voulais écrire Nadja ? »; « Peu importe que, de-ci de-là, une erreur ou une omission […] jettent une ombre sur ce que je raconte », p. 24).


  1. Pour quelle raison selon vous l’a-t-on baptisé « récit poétique » ?

Bien que Nadja soit un roman, c’est aussi un récit autobiographique et poétique : l’auteur évoque souvent ses émotions, ses sensations, et cherche à donner aux univers décrits une nouvelle apparence. Il fait fréquemment allusion à d’autres auteurs de poésie, comme Rimbaud qui l’a beaucoup inspiré. Le surréalisme est d’abord un mouvement poétique, si bien que le lecteur de Nadja a souvent l’impression que Breton confère à ce genre une supériorité sur les autres genres, qu’il occupe à force d’allusions aux œuvres des collègues. Il en va ainsi, par exemple, d’Apollinaire (p. 26) ou d’Éluard (p. 29). L’inspiration suscitée par certains objets, certains mots, est de nature à donner un souffle poétique au récit : pensons aux rêveries divinatoires causées par les enseignes « BOIS-CHARBONS » des pages 29-30, ou encore à l’effet produit par le buste de Becque sur l’esprit de Nadja (p. 169-170 : « Mais je comprenais fort bien […] qu’elle tînt et qu’elle parvînt, sur certains sujets, à avoir son avis »).


  1. En quoi peut-on dire que Nadja relate une quête de l’auteur ?

Breton cherche à trouver du merveilleux dans la vie de tous les jours ainsi que divers moyens de conjuguer amour, art et mystère. Nadja devient pour lui une personne qui l’aide dans cette recherche. Certaines entames de chapitre témoigne d’une curiosité, d’une volonté d’atteindre une nouvelle vérité sentimentale ou esthétiques, telle que cette interrogation des pages 127-128 : « Se peut-il qu’ici cette poursuite éperdue prenne fin ? Poursuite de quoi, je ne sais, mais poursuite, pour mettre ainsi en œuvre tous les artifices de la séduction mentale. »


  1. Quelles sont les significations des différents pseudonymes de Nadja ?

Le jour de leur rencontre (4 octobre 1926), Léona Delcourt apprend à André Breton qu’elle s’est choisi le pseudonyme Nadja en référence au début du nom russe de l’espérance (p. 75). Plus loin, elle dit d’elle-même : « Je suis l’âme errante » (p. 82), faisant peut-être allusion aux diverses activités qu’elle mène dans la capitale, où elle ne vit que depuis trois ans. Sans que la désignation soit à considérer pleinement comme un pseudonyme, le narrateur associe une première fois, le 12 octobre, Nadja à Mélusine (p. 125) : « Elle compose un moment avec beaucoup d’art […] le personnage de Mélusine. Cette fée du Moyen Âge est connue notamment pour ce châtiment qu’elle reçut de sa mère : une transformation partielle et temporaire en serpent. Cette identification à Mélusine réapparaît aux pages 149 et 155, dans lesquelles Breton décrit la volonté de Nadja de se donner l’apparence de la fée poitevine, peut-être dans l’intention de souligner sa puissance créatrice.

  1. Au moment de sa rencontre avec Nadja, Breton se dit en regardant les passants : "Ceux-là ne sont pas prêts à faire la Révolution". En quoi cette remarque nous renseigne-t-elle sur sa personnalité ?

Cette phrase des pages 71-72 montre que Breton s’oppose aux idées des classes sociales aisées et qu’il s’identifie comme socialiste. Du reste, après avoir lu des ouvrages de Trotski, il vient d’adhérer, au moment où il rédige Nadja, au parti communiste.


  1. Vous réfléchirez au rôle que joue Nadja dans la quête de l'auteur.

Nous pouvons déceler dans le personnage éponyme une fonction d’enchantement du monde. En effet, dès l’apparition de Nadja dans le récit, la conception du monde s’éclaire et s’enrichit chez Breton : Nadja permet peu à peu à Breton de trouver de la beauté et une poésie mystérieuse dans un monde qu’il critique. Par exemple, un soir vers minuit, aux Tuileries, Nadja observe un jet d’eau qui se trouve être le même que celui d’une illustration d’un ouvrage de Berkeley que Breton est en train de lire (pages 100-101).

  1. Quelle place Breton accorde-t-il à la description dans Nadja ?

Les descriptions sont très personnelles, poétiques, riches de nombreux symboles et détails originaux : elles montrent la façon unique dont Breton voit le monde. Elle est parfois mise en retrait au profit des illustrations qui la remplacent, mais le plus souvent elle apparaît sous la double forme du texte et de la reproduction iconographique : « cette image qui se trouve exprimée presque sous la même forme dans un ouvrage que tu ne peux connaître et que je viens de lire ? […] une signification capitale » (description des pages 100 et 102, interrompue par la photographie de la p. 101).

  1. Dans quelle mesure l'oeuvre que vous lisez illustre le propos selon lequel Nadja est la muse du surréalisme ?

Nadja représente l’étrange, l’originalité, la folie qui donnent à Breton ses idées, l’aidant à trouver de la poésie dans le quotidien. Nadja peut ainsi représenter une muse du surréalisme. En effet, après leur ultime rendez-vous, André Breton dit ne rien avoir oublié de ces moments passés avec elle ; il définit Nadja comme un génie libre, dont il a vu les yeux s’ouvrir sur un monde de l’espoir, mais aussi comme une femme « inspirée et inspirante » bridée par une condition matérielle ambiguë (pages 130 à 134).

  1. Les premiers jours de la rencontre entre le narrateur et Nadja sont rapportés sous la forme d’un journal ; quel est l’intérêt d’un tel choix d’écriture ?

Cela rend le récit plus vrai, plus proche de la réalité. Cependant, au fil de la lecture, ce format est abandonné car le récit s’éloigne de l’aspect formel de la relation afin d’aborder dans de plus amples développements des généralités sur le génie incarné par Nadja (« J’ai revu Nadja bien des fois, pour moi sa pensée s’est éclaircie encore, et son expression a gagné en légèreté, en originalité, en profondeur », page 136).

  1. Exemples à l'appui, développez quelques-unes des fonctions des images dans Nadja.

Les illustrations accompagnent le texte afin que le lecteur visualise les scènes de la même manière que Breton le fait dans son récit. Les images soigneusement sélectionnées par l’auteur accentuent les émotions qu’il cherche à faire ressentir, comme dans la photographie ses yeux de fougère...”, ou ajoute du réalisme dans lequel il cherche de la poésie (par exemple “La librairie de L’Humanité...). Cependant, comme dans la photographie-portrait d’une voyante (Mme Sacco, p. 91), l’illustration ne revêt parfois qu’un importance minime dans le texte : il y a alors autonomie de l’image par rapport au texte. Cette voyante n’est littéralemet décrite dans la note de bas de page (p. 92-93).

  1. Que représente pour Breton l'univers urbain ?

La ville, surtout Paris, apparaît comme un endroit mystérieux et insolite, très inspirant dans le cadre d’une quête d’une poésie du surréel dans le quotidien. Par exemple, dans la photographie de la place Dauphine (p. 95), le décor représente le climat mental d’une errance, d’un malaise. Pourtant, un pouvoir d’attraction émane du lieu. Enfin, le malaise gagne Nadja, qui a des visions de mort depuis un évènement qui se produisit à l’hôtel Henri-IV.

  1. Quelle vision Breton donne-t-il de l'humain à travers l'iconographie de Nadja ?

Les représentations de l’humain sont tantôt des portraits, tantôt des bustes, ou encore des dessins d’objets représentant les hommes et les femmes. Par exemple, la photographie du gant féminin (page 66) présente un objet des plus banals, qui libère l’imaginaire, non sans un certain goût pour une représentation fétichiste de la femme conçue comme destinataire d’une provocation érotique

  1. En quoi l'iconographie de Nadja répond-elle à la conception de la beauté qui se dégage de l'oeuvre ?

Selon Breton, la véritable beauté est étrange, dérangeante, ne suit pas les règles classiques et se trouve dans l’inattendu, dans ce qui trouble. Cette sensation du beau esthétique se retrouve principalement au travers des dessins réalisés par Nadja. Ainsi, dans le dessin présenté par Nadja le 12 octobre, exécuté à « La Régence » le 8 octobre, Breton souligne la présence de quatre allégories : l’attente, l’amour, l’envie, l’argent, mais aussi exprime son trouble devant la calligraphie des L et la présence mystérieuse d’un masque (p. 123-125).

  1. Comment peut-on interpréter la représentation de l'écrit dans l'iconographie de Nadja ?

Si l’iconographie permet souvent de situer le récit dans le réel tout en soulignant le décalage entre l’objet représenté et l’univers dans lequel il plonge Breton, la présence fréquente de l’écrit dans ces illustrations force le lecteur à interrompre sa lecture pour les regarder d’un œil différent. Ainsi la « fleur des amants » de la page 139 comporte une riche légende, a priori de la main de la femme : ces traces de Nadja, exécutées lors d’un « déjeuner à la campagne », célèbre l’union des deux regards, mais Breton ne nous dit pas un mot sur la sorte de titre et les phrases qui encadrent ce dessin. Nous pouvons donc conclure à une représentation incomplète et mystérieuse de l’écrit dans l’iconographie.

  1. Dans quelle mesure peut-on lire l'épisode des Détraquées comme une mise en abyme de Nadja ?

Le personnage de Solange, dans la pièce de théâtre, est sujet à des passions perverses : séduire et torturer des jeunes filles. À la fin, une d’entre elles sombre dans la folie et se suicide, ce qui peut faire référence aux troubles psychiques de Nadja.

  1. Quelle place la mort tient-elle dans Nadja ? Vous appuierez votre réponse sur l'étude du récit et de l'iconographie.

Nadja finit par disparaître, c’est donc une sorte de mort symbolique, la fin d’une folie. Étrangement, Breton ne s’intéresse pas au sort de sa bien-aimée, comme s’il l’abandonnait et tournait une page de son histoire. Un lien peut être fait avec le dessin de Nadja « L’âme du blé » (p. 163) où figurent les mots “à mort”, ce qui accentue la dimension tragique des évènements. Ce dessin peut donc associer l’internement à la mort et à la solitude de Nadja (« je n’ai que vous comme amis »), à laquelle le récit fait allusion à la page 168.

  1. Comment expliquer la vive réaction de Breton face à l’éventualité du don du gant ?

Breton refuse ce cadeau très personnel car cela montre qu’il veut garder une certaine distance morale, même dans le cadre créateur de la Centrale surréaliste : il prie finalement la femme aux gants bleus de ne pas en ôter un pour le laisser à la Centrale. Peut-être Breton voit-il dans la réclamation dun objet si personnel une forme de violation d’intimité intolérable.

  1. Que présente de marginal la relation entre Nadja et André Breton ?

La relation, mi-artistique, mi-amoureuse, ne s’intègre pas au schéma narratif de la rencontre amoureuse et des péripéties qui s’ensuivent : on remarque que les amants vivent en dehors de la société, qu’ainsi leur relation est discrète -Breton est marié, et on ignore si Nadja vit véritablement seule-, courte, intense, et irréalisée en termes charnels : en somme différente de ce que l’on attend d’une histoire d’amour.

  1. À la fin du récit, la raison du narrateur a-t-elle su dominer sa tourmente sentimentale ?

 

À la fin du récit, Breton évoque une nouvelle passion pour une certaine Suzanne Muzard, sa maîtresse de 1927 à 1937 ; il ne semble ainsi pas avoir su dominer sa tourmente sentimentale. Par ailleurs, aux pages 170-171, l’auteur avoue s’être montré le complice des divagations de Nadja : « j’avoue qu’il ne me paraissait pas exorbitant […] de me communiquer un papier signé « Henri Becque » dans lequel celui-ci lui donnait des conseils ».