1. Explication linéaire

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Question de grammaire

Cours de langue (révisions et programme du baccalauréat 1re)

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Explication linéaire 1 : Jules Verne

Texte 1 - Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle 

Œuvre intégrale : Jules Verne, Voyage au centre de la Terre (1867). 

Extrait : « Bon ! […] qu’est-ce que cela peut signifier ? » (chapitre 2). 

Parcours associé : Science et fiction. 

 
 
Bon ! riposta vivement le professeur, une traduction ! Et qu’en ferais-je de ta traduction ! Qui se soucie de ta traduction ! Ceci est l’ouvrage original en langue islandaise, ce magnifique idiome, riche et simple à la fois, qui autorise les combinaisons grammaticales les plus variées et de nombreuses modifications de mots ! 

Comme l’allemand, insinuai-je avec assez de bonheur. 

Oui, répondit mon oncle en haussant les épaules, sans compter que la langue islandaise admet les trois genres comme le grec et décline les noms propres comme le latin ! 

Ah ! fis-je un peu ébranlé dans mon indifférence, et les caractères de ce livre sont-ils beaux ? 

Des caractères ! Qui te parle de caractères, malheureux Axel ? Il s’agit bien de caractères ! Ah ! tu prends cela pour un imprimé ! Mais, ignorant, c’est un manuscrit, et un manuscrit runique !… 

Runique ? 

Oui ! Vas-tu me demander maintenant de t’expliquer ce mot ? 

Je m’en garderai bien, » répliquai-je avec l’accent d’un homme blessé dans son amour-propre. 

Mais mon oncle continua de plus belle et m’instruisit, malgré moi, de choses que je ne tenais guère à savoir. 

« Les runes, reprit-il, étaient des caractères d’écriture usités autrefois en Islande, et, suivant la tradition, ils furent inventés par Odin lui-même ! Mais regarde donc, admire donc, impie, ces types qui sont sortis de l’imagination d’un dieu ! » 

Ma foi, faute de réplique, j’allais me prosterner, genre de réponse qui doit plaire aux dieux comme aux rois, car elle a l’avantage de ne jamais les embarrasser, quand un incident vint détourner le cours de la conversation. 

Ce fut l’apparition d’un parchemin crasseux qui glissa du bouquin et tomba à terre. 

Mon oncle se précipita sur ce brimborion avec une avidité facile à comprendre. Un vieux document, enfermé peut-être depuis un temps immémorial dans un vieux livre, ne pouvait manquer d’avoir un haut prix à ses yeux. 

« Qu’est-ce que cela ? » s’écria-t-il. 

Et, en même temps, il déployait soigneusement sur sa table un morceau de parchemin long de cinq pouces, large de trois, et sur lequel s’allongeaient, en lignes transversales, des caractères de grimoire. 

En voici le fac-similé exact. Je tiens à faire connaître ces signes bizarres, car ils amenèrent le professeur Lidenbrock et son neveu à entreprendre la plus étrange expédition du dix-neuvième siècle : 

 

 

Le professeur considéra pendant quelques instants cette série de caractères ; puis il dit en relevant ses lunettes : 

« C’est du runique ; ces types sont absolument identiques à ceux du manuscrit de Snorre Turleson ! Mais… qu’est-ce que cela peut signifier ? » 

 
 

Jules Verne, Voyage au centre de la Terre (1867) 

 

 

Cette explication linéaire est écrite, mais le jour de l’oral, vous n’aurez sous les yeux que vos notes rédigées pendant le temps de préparation. Pendant la préparation, transposez cette fiche rédigée en prise de notes. 

 

Introduction  

Jules Verne, auteur réaliste de la seconde moitié du XIXe siècle, accorde une large part dans ses récits aux connaissances relatives aux progrès de la science : il emmène ses héros sous les mers (Vingt Mille Lieues sous les mers), autour du monde (Le Tour du monde en 80 jours), dans l’espace (De la Terre à la Lune) tout en multipliant de manière didactique, comme le souhaitait son éditeur Pierre-Jules Hetzel, des allusions à la science novatrice de son époque. 

Dans Voyage au centre de la Terre, écrit en 1864 mais publié dans sa version intégrale trois ans plus tard, le jeune Axel, son oncle minéralogiste, et un paysan local reconverti en guide passent par le cratère d’un volcan islandais pour tenter, chose improbable, d'atteindre le noyau terrestre. L’action se déroule en 1863, à l’époque contemporaine de l’auteur, ce qui en fait un récit scientifique de fiction, et non d’anticipation ou de science-fiction. 

En ce début de roman, nous passons de la situation initiale (chapitre 1 : présentation du cadre, portrait de l'oncle) à l'élément perturbateur du chapitre 2 : la découverte d'un vieux livre contenant un morceau de parchemin runique qui mènera nos héros dans un des "voyages extraordinaires" imaginés par l’auteur. L’extrait retenu correspond au moment le professeur présente à son neveu un ouvrage qu’il vient de dénicher chez un marchand de livres, puis présente la découverte du précieux message. 

[lecture du texte] 

Le texte débute par un dialogue entre l'oncle sérieux et son neveu ironique (lignes 1 à 37), puis le narrateur interne décrit minutieusement le cryptogramme qui excite l’intérêt de l'oncle (lignes 38 à 67). 

Dès la première ligne, le caractère et la vision de l'oncle et du neveu s'opposent, de façon à mettre le lecteur intrigué dans la peau de celui qui ne comprend pas la portée scientifique de ce qui se passe. Les lecteurs potentiels de Jules Verne peuvent alors s’identifier à Axel ou Otto, selon qu’ils adoptent le point de vue d’un lecteur jeune (prétendument avide d’aventures) ou adulte, plus probablement captivé par les questionnements scientifiques. 

Il nous est possible d’apprécier, à travers cette lecture, la fonction double d’un tel extrait : d’une part le pur divertissement par la dimension théâtrale et l’aventure romanesque qui initie Axel ; d’autre part, le but didactique inlassablement poursuivi par l’auteur. Par conséquent il peut sembler pertinent de se demander comment ce dialogue mène à la découverte de l’élément déclencheur et permet à Jules Verne d'associer ses talents de pédagogue et de conteur 

--- 

1er mouvement 

Le premier mouvement de l’extrait, un dialogue entre Otto, l’oncle sérieux, et son neveu insensible au contenu du livre présenté, repose sur l’opposition comique entre Lidenbrock qui montre l'étendue de son savoir en matière d’édition et de littérature nordique, et Axel, qui ignore tout de l’Heims-Kringla, chronique du savant médiéval Sturluson, poète et historien islandais bien réel qui ne paraît nullement intéresser le jeune homme. Juste avant notre extrait, l’exclamative « Vraiment ! », associée au verbe « s’écrier » et à la question secondaire relative à la langue du récit, traduisait l’ironie d’Axel narrateur qui se pose en personnage secondaire, dans la mesure où il avoue ne pas être solidaire de l’enthousiasme du scientifique héroïsé. 

Ce dernier monopolise la parole dans cette joute verbale : au début de l’extrait, ses répliques sont longues et Axel tend à se taire, craignant probablement de subir l’ire de son oncle, perceptible à la lecture de la triple occurrence du terme « traduction » et les deux interrogatives empreintes d’une certaine familiarité. Le savant, fervent amateur de tout lexique spécialisé (voir l’énumération sous forme de gradation ascendante « en langue islandaise, […] de nombreuses modifications de mots ! »), ne parvient pas à persuader Axel, qui révèle son détachement vis-à-vis de la considération linguistique en établissant grossièrement une relation d’identité entre la langue allemande et l’idiome de « Turleson ». La brièveté de sa réponse tranche singulièrement avec le développement superlatif précédent et donne à cette conversation la tonalité enjouée d’une scène menée sur un rythme enlevé. Cette remarque ironique est par ailleurs soulignée par le narrateur lui-même, afin de rendre le lecteur à la fois complice et témoin de l’absence de discernement de Lidenbrock qui répond « en haussant les épaules », semblant ne pas prendre en compte la malice de son neveu. 

Ligne 15, c’est avec une certaine provocation qu’Axel manifeste son ignorance par l'interjection "Ah !" suivie d'une formule interrogative "et les caractères de ce livre sont-ils beaux ?", dont l’adjectif mélioratif "beaux" est inadapté pour évoquer le caractère exceptionnel du livre. Ce trait de caractère ne manque pas de révéler un désintérêt pour la découverte, avec la locution adverbiale « un peu » qui modalise le groupe adjectival « ébranlé dans mon indifférence ». En cet endroit du passage, on comprend que le monologue enfiévré du minéralogiste n’est pas près de se terminer. 

L’oncle Otto semble offensé car il fait se succéder plusieurs exclamatives et interrogatives et répète trois fois le nom "caractères", manifestant son irritation. Il parle avec condescendance et dédain, en désignant son jeune associé par les apostrophes dévalorisantes "malheureux Axel" et "ignorant" et le tutoiement répété (pronoms personnels dans les expressions "qui te parle" et "tu prends cela"). Dans la réplique suivante, sous forme d’une question en un mot (phrase averbale « Runique ? »), Axel montre sa soumission. Il répète même le dernier mot de la réplique de son oncle, comme s’il l’invitait à apporter des précisions. Ce que Lidenbrock ne fait qu’en deux temps, par l’interrogative « Vas-tu me demander d’expliquer ce mot ? » (l. 24-25) qui lui permet d’éprouver la sincérité du questionnement d’Axel. Verne parvient ici à ménager l’intérêt des lecteurs et diffère la prise d’informations au sujet des connaissances linguistiques du jeune homme et de la nature de l’alphabet runique. 

Le lecteur peut se trouver dans la situation d’attendre de comprendre ce terme scientifique, mais il comprend qu'Axel se moque de la situation, car il n’a que l’ « accent », l’intonation, de celui qui éprouve un sentiment fort : « blessé dans son amour-propre ». En effet le jeu d’Axel, véritable comédien qui feint, ment, sert de faire-valoir, permet à son interlocuteur de dire ses tirades. Le bref retour au récit (l. 29 à 31) retarde ce moment didactique et multiplie les procédés d'opposition, afin de prolonger le comique de la situation : la conjonction de coordination "mais", la préposition "malgré" et la négation "ne ... guère" montrent que l'oncle veut instruire même si Axel s'en moque. Il devient sciemment autant émetteur et récepteur et apporte la réponse qu'il souhaite, ne quittant pas une seconde des yeux son objet scientifique. Otto déroule ainsi son cours dans une tirade explicative, qui s’étend aux lignes 32 à 37 : la définition de « runique » devient celle des runes et il faut bien reconnaître qu’il s’agit là d’une définition minimale dont les précisions spatiales ("en Islande"), temporelles ("autrefois") et culturelles (le dieu Odin) mêlent la science au merveilleux, à l'imaginaire mythique, loin de la rationalité et de la logique du savant. Ici, l’expert est un croyant qui refuse que son neveu soit inculte, d’où la deuxième phrase qui dévalorise Axel, à travers le tutoiement à l'impératif "regarde" et "admire" et l'étonnante apostrophe, hyperbolique et critique, "impie" (l. 35). Là encore, la dimension théâtrale domine : le déterminant déictique « ces » et la répétition brutale de la conjonction "donc" suggèrent visuellement une scène où le professeur presse Axel de consulter une des pages de l’in-quarto (l. 37). 

--- 

2e mouvement 

Si l’on conçoit Otto comme le double de Verne, le professeur révèle le même penchant pour le théâtre, une semblable pulsion pédagogique. Sur fond de prosélytisme ironiquement achevé (« ma foi » ; « me prosterner » ; « plaire aux dieux »), le silence du neveu montre qu'il est vaincu dans cette joute ("faute de réplique"). Face à son oncle qui domine la scène par sa voix et sa science, le but d'Axel, naïf, peu intéressé, est de lui "plaire" avec un certain humour qu’il partage avec le lecteur, conquis par ce binôme entre professeur et élève. Dès la ligne 38 commence la description détaillée du parchemin. Le dialogue, achevé par la domination de l'oncle, est rompu par une subordonnée circonstancielle au passé simple "quand un incident vint détourner le cours de la conversation", puis il est au paragraphe suivant par l’unique phrase "Ce qui […] ce fut l'apparition d'un parchemin crasseux [...]". 

Le détachement typographique de la phrase (l. 43-44) et sa forme emphatique ("ce fut ... qui") annoncent en fait l'élément perturbateur de la scène et du roman : le parchemin secret. Mais dès son apparition, l'objet est dévalorisé par l’emploi du déterminant indéfini et le lexique péjoratif : "un parchemin crasseux", "bouquin", "ce brimborion", "un vieux document", "dans un vieux livre". Le livre et le document sont décrits de manière ordinaire, comme des éléments sales, usés, illisibles. En les rabaissant (il ne voit pas en eux tout ce que la science peut en tirer) et en ne leur laissant que leur caractère mystérieux et leur aspect ancien, "enfermé peut-être depuis un temps immémorial", Axel se détache de son oncle et le regarde à son tour avec dédain quand il "se précipit[e] […] avec une avidité facile à comprendre". Il fait descendre son oncle de son piédestal, observe (la raille-t-il ?) son attitude, présente des actions simultanées qui traduisent l’exaltation du savant (se précipiter, s'écrier et déployer), des actions parfois contrastées (« se précipiter » ; « soigneusement » ; lignes 45 et 51). Axel réagit en fait comme un lecteur lambda qui prend plaisir à lire le roman à travers son point de vue. Face à ce "puits de science" sérieux et sévère, ici plein d’émotion, il faut modérer la distance d’un interlocuteur désintéressé et ironique, faute de quoi les lecteurs risquent de n’être pas assez « embarqués » par le récit. 

Le talent de conteur de Jules Verne lui permet en outre de passer de l'action à la description, longue, du "morceau de parchemin" : dans cette pause narrative et descriptive, l'analyse se fait minutieuse, grâce aux dimensions chiffrées ("long de cinq pouces, large de trois" ; les lignes de force "transversales"), jusqu'à ajouter "le fac-similé exact". La conversation entre l’oncle et le neveu est déjà loin : ce fut une sorte de tremplin vers l'objet graphique, qui est le point de départ de l'enquête, la première énigme avant de partir "au centre de la Terre". Tout est révélé, montré du doigt par les démonstratifs "ce", "cela" et la forme emphatique "en voici". Mais l'objet se dérobe encore à sa valeur scientifique aux yeux d’Axel : pensons au sens de "grimoire" (ouvrage ou texte obscur, mystérieux), ainsi qu’aux adjectifs « bizarres » et « étrange ». 

Le lecteur comprend alors que le récit est rétrospectif, qu’il s’agira d’une vaste analepse (retour en arrière) : le voyage est raconté après l'avoir accompli, ce que la phrase au présent d'énonciation annonce : "Je tiens à faire […] ils amenèrent le professeur Lidenbrock et son neveu à entreprendre la plus étrange expédition du XIXe siècle" (l. 56-60). Le passé simple permet une anticipation qui écarte momentanément le lecteur du présent, de même que la désignation des personnages à la troisième personne ("son neveu"), ainsi que le superlatif "la plus étrange", définissent le duo héroïque du roman. 

L'oncle dès lors reprend définitivement le pouvoir sur la scène : il est celui qui agit (« considéra », « dit », « relevant ses lunettes »), il enchaîne des répliques de monologue où il passe de la question "Qu'est-ce que cela ?" à la réponse qui se fait attendre : "C'est du runique". Exalté, il semble euphorique et enthousiaste, dans l’espoir de trouver la solution scientifique. Jules Verne crée donc un héros fantasque et peu agréable, dominé par la science et le désir de savoir, mais ces caractères déroutants trouvent en Axel le contrepoint idéal, auquel le lecteur s'identifie de suite. 

Pourquoi proposer une copie du document manuscrit au lecteur ? Ce procédé graphique apporte de la vraisemblance à un récit dont l’intrigue va développer une aventure extraordinaire, mais il permet aussi d’introduire dans le roman une illustration plaisante destinée à renforcer l’immersion et l’adhésion du public qui va relever le défi de l’énigme. 

Le dernier paragraphe, associé au fac-similé, maintient à son comble le suspense : le temps long de l’observation du document, la conjonction « mais » suivie des points de suspension, le geste de relever ses lunettes, l’exclamative et l’interrogative, tout concourt à engager le lecteur dans une quête du sens liée à une aventure prometteuse. 

--- 

Conclusion 

Cet extrait nous le démontre parfaitement : un « voyage extraordinaire » vise à instruire le lecteur en le divertissant. Ici, la leçon que le professeur donne à son neveu correspond à cet objectif : transmettre par le biais de la fiction un savoir scientifique le plus étendu possible à un vaste public. L’Histoire passée, les ouvrages et les langues anciennes, auront de l’importance dans l’aventure qui attend les personnages, car le voyage au centre de la Terre est avant tout un itinéraire dans le passé primitif. 

Avant et après le passage, le texte multiplie les références culturelles et donne une vaste leçon de linguistique, en même temps que nous avons affaire à un jeu intellectuel assez long, à l’issue duquel Axel va se révéler. Pour l’heure, face à l’enthousiasme de son oncle, il n’est qu’un faux interlocuteur qui flatte pour ne pas mettre en colère, qui crée un décalage humoristique nécessaire à la lecture des passages de vulgarisation scientifique. Mais à la fin du troisième chapitre, quoique le message du parchemin soit reconstitué en caractères latins, son sens de lecture ne sera pas encore décelé. Lidenbrock excédé quitte la maison, laissant seul son neveu, qui sans effort découvrira comment lire le document. À n’en pas douter, Jules Verne a voulu dans son roman mettre en lumière la fonction de l’aventure et du hasard, mais aussi celle d’un héros philosophe, étymologiquement « ami des sciences », capable de mobiliser des savoirs de nature différente pour approcher la vérité. 

Il sera pertinent de comparer les mérites de ce genre d’extrait avec l’apport de données scientifiques actualisées en matière de physique, de géologie et de minéralogie, qui abondent dans ce roman d’aventures de vulgarisation scientifique.


Explication linéaire 2 : Jules Verne

Texte 2 - Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle 

Œuvre intégrale : Jules Verne, Voyage au centre de la Terre (1867). 

Extrait : « Le mot "caverne" […] une certaine quantité d’effroi. » (chapitre 30). 

Parcours associé : Science et fiction. 

 

Le mot « caverne » ne rend évidemment pas ma pensée pour peindre cet immense milieu. Mais les mots de la langue humaine ne peuvent suffire à qui se hasarde dans les abîmes du globe.  

Je ne savais pas, d’ailleurs, par quel fait géologique expliquer l’existence d’une pareille excavation. Le refroidissement du globe avait-il donc pu la produire ? Je connaissais bien, par les récits des voyageurs, certaines cavernes célèbres, mais aucune ne présentait de telles dimensions.  

Si la grotte de Guachara, en Colombie, visitée par M. de Humboldt, n’avait pas livré le secret de sa profondeur au savant qui la reconnut sur un espace de deux mille cinq cents pieds, elle ne s’étendait vraisemblablement pas beaucoup au-delà. L’immense caverne du Mammouth, dans le Kentucky, offrait bien des proportions gigantesques, puisque sa voûte s’élevait à cinq cents pieds au-dessus d’un lac insondable, et que des voyageurs la parcoururent pendant plus de dix lieues sans en rencontrer la fin. Mais qu’étaient ces cavités auprès de celle que j’admirais alors, avec son ciel de vapeurs, ses irradiations électriques et une vaste mer renfermée dans ses flancs ? Mon imagination se sentait impuissante devant cette immensité.  

Toutes ces merveilles, je les contemplais en silence. Les paroles me manquaient pour rendre mes sensations. Je croyais assister, dans quelque planète lointaine, Uranus ou Neptune, à des phénomènes dont ma nature « terrestrielle » n’avait pas conscience. À des sensations nouvelles il fallait des mots nouveaux, et mon imagination ne me les fournissait pas. Je regardais, je pensais, j’admirais avec une stupéfaction mêlée d’une certaine quantité d’effroi. 

 
 

Jules Verne, Voyage au centre de la Terre (1867) 

 
 

Introduction 

 
 

1. Présentation de l’oeuvre et de l’écrivain 

-date de publication, 1867 ; 

-date à rapprocher de la vie de JV et du contexte historique et scientifique : le positivisme scientifique et tous les progrès techniques : courant philosophique fondé au XIXe siècle par Auguste Comte, à la fois héritier et critique des Lumières du XVIIIe siècle et qui soumet de manière rigoureuse les connaissances acquises à l'épreuve des faits. Le scientifique s'en tient aux relations entre les phénomènes et met l'accent sur les lois scientifiques. 

-éditeur de Jules Verne, Hetzel : homme de lettres engagé (républicain aux côtés de Hugo pendant l’exil qui suivit l’accession au pouvoir de Louis-Napoléon Bonaparte) ; rencontre en 1861 JV puis construit le projet littéraire et pédagogique des Voyages Extraordinaires, qui se nourrit de la créativité et des centres d’intérêt de l’écrivain (grand voyageur féru d’avancées scientifiques, qui cherche à décrire la Terre). 

-situation de l’oeuvre dans la bibliographie de l’écrivain (un des premiers succès, après des années de formation littéraire plutôt discrètes). 

-genre littéraire de référence (roman d’aventures agrémenté d’un questionnement scientifique). 

-brève évocation des personnages principaux. Insister sur la principale tonalité de l’extrait : réaliste ? épique ? fantastique ? 

 
 

2. Présentation de l’extrait et situation dans l’oeuvre 

-statut du narrateur (personnage, s’exprime seul en tant que narrateur), point de vue dominant : interne. 

-que s’est-il passé avant ce passage (chapitre 29) ? Les personnages viennent de se retrouver, après la désorientation d’Axel. L’extrait plonge le lecteur dans la découverte de ce qu’on pourrait appeler un monde parallèle : après la « mer Lidenbrock », voici une « caverne » surmontée d’un véritable ciel. 

 
 

3. Les deux mouvements du texte 

-l. 1 à 3 et 14 à 24 : l’expression de la sidération et l’évocation de l’impuissance de l’imagination. 

-l. 4 à 14 : la tentative d’explication par la référence aux découvertes scientifiques actualisées. 

 
 

4. Lecture expressive du texte 

 
 

5. Problématique et projet de lecture 

Se proposer de montrer comment Jules Verne s’y prend pour à la fois instruire ses lecteurs au sujet de l’histoire des sciences géologiques et maintenir un suspense entrent en concurrence le recours à l’imaginaire et les procédés du fantastique. 

 
1er mouvement (1-3 et 14-24) 

-le premier mouvement : consiste à dépeindre l’émerveillement angoissé éprouvé par Axel, la puissance imaginative du lieu 

-remarque générale sur le point de vue narratif qui parcourt tout le texte : le point de vue interne à la 1ère personne du singulier met en valeur l’émerveillement et la découverte du jeune héros. 

-impossibilité de nommer le lieu (“le mot ‘caverne’”) : cela crée un effet de mystère. 

-Axel est partie prenante de la quête scientifique (« je connaissais bien »), mais un narrateur qui diffère l’attente (effet de suspense). 

-rythme : marqué par les deux phrases, dont la 1ère contient 2 alexandrins, vers de l’épopée, de la grandeur héroïque (24 syllabes donc). 

-ton solennel : registre de langue soutenu (« à qui » ; « dans les abîmes » ; « peindre » ; « globe »). 

-harmonie sonore : l’allitération en [p] et en [m] parcourt les deux phrases (effet d’insistance sur l’étonnement). 

-temps verbal : trois présents, le premier d’énonciation (commentaire du narrateur adressé à son lecteur), les deux autres de vérité générale (énoncé d’une évidence : ce qui est inconnu ne peut être décrit par des caractérisants connus, comme « caverne » et « les mots de la langue humaine »). 

 

2e mouvement 

-dès la l. 4, pourtant, Axel semble entamer une explication, pénible : interrogative + DIL (point de vue d’Axel + nous entrons dans la conscience du personnage sans que le récit en soit ralenti). 

-le lecteur est en attente, car, qu’Axel décrive avec émerveillement ou qu’il cherche à expliquer, il manifeste son impuissance à le faire (faute de mots, faute de références scientifiques) : 2 phrases négatives + relation logique d’opposition (conj. de coordination « mais). 

-réemploi du champ lexical de l’immensité, pour donner plus de précisions et rendre compte, par la gradation (de « profondeur » à « insondable ») de l’immensité de la caverne, qu’un humain ne peut appréhender. Champ lexical associé aux nombreuses données chiffrées. 

-coeur du second mouvement, dédié à la connaissance, aux précisions historiques et à l’explication scientifique à proprement parler. Jules Verne et son éditeur Hetzel cherchaient en effet à allier les apports de la science aux mystères de la découverte de lieux et phénomènes inconnus. 

-Les temps verbaux sont ceux du récit (+QP, PS, pour les actions ; imparfaits pour les descriptions) parce que Verne choisit ici d’expliquer par le récit pittoresque de la découverte de deux autres grottes. 

-langage spécialisé : complète les noms propres (Humboldt, Mammouth, Colombie…). 

-effet de réel : les deux exemples de cavités sont réels, de même que le nom du savant. Données chiffrées. 

-phrases longues, imitatives de la profondeur décrite. 

-les deux exemples sont rapprochés par l’absence de lien d’addition au début de la phrase 2. 

-la comparaison de la cavité aux gouffres réels s’établit pour les 2e et 3e fois sur un mode oppositif : « … bien…, mais... » ; « si …, … ne pas ... » ; « bien…, mais »). 

 

1er mouvement (fin du texte) : retour à l’évocation de la puissance imaginative du lieu (14-24) 

 

-c’est l’impossibilité de cerner exactement la nature du lieu qui domine finalement l’extrait, ce qu’annonçais la conjonction adversative (qui exprime l’opposition) “mais” qui introduit l’interrogative (“mais qu’étaient...?”). 

-la PSR a pour noyau le verbe “admirais”, à comprendre ici dans son sens étymologique (admirari, en latin, veut dire “s’étonner”). 

-le lecteur se prend à rêver devant l’accumulation des 3 caractéristiques de la grotte, exprimées en termes peu communs (“son ciel de vapeurs, ses irradiations électriques et une vaste mer renfermée dans ses flancs”) ; on y relève également un rythme ternaire qui scande la description, et une augmentation régulière du nombre de syllabes (5, puis, puis 8, puis 11).  

-”merveilles” et “contemplais” : le champ lexical de l’imagination est convoqué de nouveau. Axel reste bouche bée devant le spectacle. 

-les phrases se font plus brèves pour exprimer l’indicible : Axel est toujours impuissant à comprendre, donc à nommer : le GNP “en silence”, le verbe “manquaient” soulignent le mutisme involontaire du héros. 

-le verbe “croyais”, associé aux noms des planètes “Neptune” et “Uranus” et à la PSR (remarquable par la présence du néologisme “terrestrielle”) tend à inviter le jeune lecteur à imaginer une vie extraterrestre, à “croire” en la possibilité de mondes voisins où se déploie un vivant proche du nôtre. 

-le narrateur insiste encore, dans la phrase suivante, sur le caractère inédit de sa situation, qui l’a mené à l’impasse d’un mutisme forcé : le mot doit nommer la chose, mais comme la nature de celle-ci ne peut être cernée, aucun mot ne sort ! Remarquons la dérivation de “nouv-” (dans “nouvelles” et “nouveaux”) : elle souligne l’incapacité de l’”imagination” à suppléer la science. 

-les négations “n’avait pas conscience” et “ne me les fournissait pas” rappellent les nombreuses marques négatives grammaticales ou lexicales qui jalonnent le texte : 15 au total, la plupart étant dédiées à l’identification du lieu. 

-le vocabulaire des sensations reste cohérent jusqu’à la fin du texte : la “stupéfaction” (grand étonnement) et l’”effroi”, marquent une gradation : Axel ressent à présent une frayeur devant le spectacle d’une vie insoupçonnée. La dernière énumération à l’imparfait de second plan (“je regardais, je pensais, j’admirais” ; ce dernier verbe, répété, étant ici employé dans une construction intransitive) semble annoncer une rupture narrative, qui mènera Axel (et le lecteur) vers la compréhension, nécessaire à la poursuite des aventures. 

 

Conclusion 

 

Un extrait qui représente l’art vernien, conteur scientifique qui allie avec profit les évocations étranges et fantastiques aux données explicatives les plus rationnelles. 

Axel et Lidenbrock apprendront à connaître les lieux pour en tirer profit : les fossiles découverts dans cette étrange caverne leur permettront à la fois de voyager dans le temps en identifiant l’ère géologiques à laquelle remonte le lieu, et dans l’espace, grâce au radeau fabriqué par Hans, sur lequel ils traverseront cette immense étendue d’eau. 

 

Proposition de questions de grammaire 

 

LEXIQUE 

“Je ne savais pas, d’ailleurs, par quel fait géologique expliquer l’existence d’une pareille excavation.” 

Précisez la formation du nom “excavation”, puis repérez les deux noms du texte qui appartiennent à la même famille étymologique. 

 

NÉGATION 

“Le mot « caverne » ne rend évidemment pas ma pensée pour peindre cet immense milieu.” 

Analysez l’expression de la négation dans cette phrase. 

 

PHRASE VERBALE ET ANALYSE DE PROPOSITIONS 

Analysez la phrase suivante : “L’immense caverne du Mammouth, dans le Kentucky, offrait bien des proportions gigantesques, puisque sa voûte s’élevait à cinq cents pieds au-dessus d’un lac insondable, et que des voyageurs la parcoururent pendant plus de dix lieues sans en rencontrer la fin.”