1. Explication linéaire

Une simulation de l'oral de français


Méthode de l'explication linéaire

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Texte 2/12 (1STI) - Objet d’étude : la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle

 

 

 

Introduction

 

L’éducation de Gargantua est principalement observée dans les chapitres XIV-XV et XXI-XXIV, les quatre premiers d’entre eux développant surtout une critique de la « mauvaise éducation » que Ponocrate, troisième maître du géant, corrige dans les deux suivants.

 

Nous pouvons ainsi considérer que les chapitres XVI à XX -l’épisode des cloches de Notre-Dame- forment un tout cohérent, dont on peut comprendre le lien avec la question éducative : la figure du sorbonnard Janotus y faisait les frais de la satire rabelaisienne (à noter que dans les années 1533-1535 l’autorité de la Sorbonne est contestée, jusque dans l’entourage du roi).

 

Cette fois, Rabelais développe dans cet extrait l’antithèse entre la mauvaise éducation scolastique et l’éducation humaniste idéale.

 

 

 

Comment caractériser ici une telle opposition, et prendre la mesure de la future transformation du héros par l’éducation ?

 

 

 

[lecture du texte]

 

 

 

Pour répondre à la question précédente, proposons-nous de dégager les deux mouvements de l’extrait :

 

a) Stabilisation de la situation : retour à la question de l’éducation (l. 1-10) ;

 

b) Des vices innés que n’a pas corrigé l’ancienne éducation de Gargantua (l. 11-26).

 

 

 

a) Stabilisation de la situation : retour à la question de l’éducation (l. 1-10) ;

 

 

 

-Le 1er § fait la transition entre le récit d’aventures et le retour à la description des activités du jeune Gargantua : il met comiquement en valeur la veulerie des Parisiens, qui en somme lui expriment leur reconnaissance d’avoir rendu ce qu’il avait volé (GN inattendu de la l. 2, « cette honnêteté », amplifié par la PSCC de manière « tant qu’il lui plairait », l. 3) ! Le narrateur lui-même exprime une certaine ironie (proposition subordonnée relative en incise « ce que Gargantua prit bien à gré », l. 3-4). La dernière phrase du paragraphe (« Je crois qu’elle n’y est plus maintenant ») crée une chute elle aussi comique qui clôt brutalement cette courte série romanesque.

 

-À partir de la ligne 7, cet extrait s’inscrit dans la continuité du chapitre XV : le lecteur constate les résultats désastreux de l’éducation scolastique, toujours sur le mode énumératif. L’échec cuisant des méthodes anciennes apparaît d’autant plus regrettable que Gargantua est intelligent, motivé et travailleur, mais régresse. Son intelligence est comme retournée en sottise ! Dans l’immédiat Gargantua exprime sa motivation (verbe de volonté accentué par le GNP « de tout son sens », l. 7 ; emploi du GNP « à la discrétion de Ponocrate », qui souligne la volonté d’apprendre). La conjonction de coordination « mais » (l. 8) avertit d’emblée le lecteur : Ponocrate se livrera dans un premier temps à une évaluation diagnostique, une observation préalable des défauts éducatifs et intellectuels de son disciple (voir l’énumération ternaire qui ferme la PSCC finale : « afin d'entendre par quel moyen, en si long temps, ses anciens précepteurs l'avaient rendu fat, niais et ignorant », l. 9-10). Les expressions « par quel moyen » et « en si long temps » accusent cruellement l’obstination des anciens maîtres de G. (Holopherne et Bridé) à le voir « désapprendre ». Rabelais insiste sur cette notion de durée (53 années d’apprentissage !) dans le chap. XIV.

 

-Le lecteur comprend donc qu’il va de nouveau avoir droit au savoureux portrait en actes d’un Gargantua sans repères éducatifs et livré à l’assouvissement de ses instincts primaires.

 

 

 

b) Des vices innés que n’a pas corrigé l’ancienne éducation de Gargantua (l. 11-26).

 

 

 

-De là, ses mœurs qui n’évoluent pas depuis sa prime enfance : le §3 rapproche les notions d’éducation et de régression, en commençant par évoquer la paresse. La proposition principale « Il disposait donc de son temps en telle façon » montre que la fatuité et la paresse intellectuelle de Gargantua le font mésinterpréter, suivant les préceptes de ses anciens maîtres, un passage -d’ailleurs incomplet- des Psaumes de la Bible (« Vanum est vobis ante lucem surgere », l. 13-14 : « Il est vain de se lever avant la lumière du jour »). Ainsi G. prend un malin plaisir à « s'éveill[er] soudainement entre huit et neuf heures, qu’il fît jour ou non », la dernière proposition indiquant que la notion de rythme est étrangère au géant.

 

 

 

-Le §4 n’est, comme les trois premiers, constitué que d’une phrase, qui fait la part belle à l’accumulation et au registre familier. À la l. 15 nous trouvons les trois verbes familiers « gambillait », « gigotait » et « paillardait » qui suggèrent un « ébaudi[ssement] » lié à d’obscures pratiques physiques opérées dans le lit. Le GNP « selon la saison » (l. 16) est contredit par la conjonction de coordination « mais » et l’étrange vêtement que le jeune homme aime à porter, en dépit des convenances vestimentaires (« une grande et longue robe de grosse frise, fourrée de renards », GN expansé où se remarquent les allitérations en [r] et [f]). La ligne 18 mentionne le « peigne d’Almain » : il s’agit du docteur en théologie du XVIe s. Jacques Almain, auquel le narrateur attribue un entretien capillaire négligent. Aussi l’expression d’allure noble « du peigne d’Almain » est-elle déconstruite par le groupe prépositionnel en incise suivant, dont le lecteur saisit le jeu sur les mots « à la main » (représentée par les « quatre doigts » et le « pouce ») et « Almain » ! L’explication finale (l. 19-20), marquée par le retour du rythme ternaire (souvent joint à l’idée d’un argumentaire irréfutable), moque le manque d’hygiène inculqué à Gargantua par les maîtres de la Sorbonne.

 

-Le cinquième paragraphe détaille dans la longueur la saleté dans laquelle vit quotidiennement Gargantua ; nous retrouvons l’importance des excréments et de l’expression corporelle la plus élémentaire (« fientait, pissait, rendait sa gorge, rotait, pétait, bâillait, crachait, toussait, sanglotait, éternuait et se mouchait en archidiacre », l. 21-22). Comme lorsqu’il était tout petit (chapitre XI), le géant mange et boit énormément, sans raison, comme l’indique le jeu de mots « abattre la rosée et le mauvais air » (« abattre la rosée » pouvant se comprendre comme « boire »). L’accumulation qui suit (l. 23-24) contient cinq membres et se distingue par les marqueurs quantitatifs, comme l’adjectif « beau » répété et le déterminant indéfini « force ». Les mets énumérés suggèrent par ailleurs un déséquilibre alimentaire qui ne manquerait pas d’alerter le médecin qu’est Rabelais. Ponocrate d’ailleurs se livre en fin d’extrait à une première intervention éducative : on notera l’opposition entre l’intensif « si » (placé devant l’adverbe « tôt ») et le déterminant indéfini « quelque », qui indique que Gargantua n’est actif physiquement à aucun moment de la journée (l. 25-26). Le verbe « repaître » dénote aussi une satiété trop rapidement atteinte par le jeune glouton.

 

-En fin l’absence est éloquente et peut être commentée : intellectuellement, aucune activité de réflexion n’est pratiquée. Le lecteur comprend que la nourriture succède immédiatement à la moindre activité scolaire, comme si elle était devenue la valeur maîtresse. Plus loin nous lisons : « mais son âme était à la cuisine » !

 

 

 

Conclusion

 

 

 

Non content d’être sale, glouton, buveur excessif, Gargantua appris à donner des raisons faussement morales à tout ce laisser-aller : c’est vanité que de se lever avant la lumière, de se peigner ou de perdre son temps à se laver. Plus loin le narrateur suggère dans son récit que la pratique religieuse devient machinale, sans aucune relation directe avec Dieu, et réglée sur la quantité.

 

Dans les chapitres XXIII et XXIV, Ponocrate (étymologiquement le « travailleur », le « dur à la tâche ») va diriger Gargantua vers un mode d’éducation équilibré, où à des journées plus ou moins vides et totalement désorganisées s’opposera un emploi du temps où tout se tient, où toutes les activités en rapport les unes avec les autres, où corps et âme se développeront en harmonie.

 

Rabelais propage donc dans ces chapitres la possibilité d’un système éducatif humaniste, à l’instar de nombreux auteurs de son temps ayant formulé des théories pédagogiques nouvelles, tels que Guillaume Budé ou Érasme. Le vieux système éducatif médiéval, inadapté, est comme balayé par le rire, en une satire terriblement efficace.

 

 

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Texte 3/12 (1STI) - Objet d’étude : la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle

 

 

 

 

 

I. Introduction non rédigée

 

-Poème écrit en alexandrins, où l'auteur évoque ses souvenirs de collège ; extrait des Contemplations, recueil publié en 1856 et largement composé pendant son exil.

 

-Car Hugo est un républicain qui devint à cette époque un écrivain très populaire (funérailles nationales, dépouille au Panthéon). Le sort des enfants et la question de leur éducation figurent parmi ses nombreux combats ; ces derniers sont développés dans le premier des six livres du recueil, « Aurore », consacré à l’éveil et à la jeunesse de l’auteur.

 

-À noter : ce poème est daté de 1831 → un des plus anciens des Contemplations (début de la période 1830-1843 : Hugo a 29 ans, fin de l'adolescence au sens classique ; il est à l'époque le héros du romantisme et se présente comme partisan d'une libération de la parole littéraire).

 

-Dans cet extrait de poème, Hugo s’attaque aux figures pédantes et injustes des maîtres ; le « je » énonciatif propose de leur substituer les encadrants d’une pédagogie idéale en relation avec une société plus égalitaire.

 

-Du Romain Quintilien à Érasme, Rabelais ou Montaigne au XVIe siècle, au Rousseau de L’Émile ou De l’Éducation de Rousseau (1762), de nombreux auteurs se sont demandé quelle est la meilleure méthode pédagogique, celle qui mène l’enfant à l’autonomie et à l’épanouissement.

 

C'est pourquoi ce poème, relevant des registres lyrique et polémique, est au service d'une dénonciation d'une forme d'enseignement en faisant appel à l'imaginaire.

 

[Lecture du texte]

 


 

Mouvements reliés à cette problématique :

 

a) Vers 1 à 8 : les conditions du changement éducatif ;

 

b) Vers 9 à 20 : première conséquence : des écoliers épanouis et intéressés ;

 

c) Vers 21 à 28 : seconde conséquence : d’une nouvelle école à une société renouvelée.

 

II. Explication linéaire non rédigée

 

Relevé

Identification

Interprétation

Titre « À propos d’Horace »

GNP – CC de matière, point de vue

En apparence annonce un sujet classique traité de manière scolaire : dans un texte argumentatif, Hugo va-t-il nous exposer ce qu'il pense d'Horace ? On pourrait penser que, voulant être moderne, il va repousser l'antique Horace. Mais on comprend vite qu’Horace est à ses yeux le poète des plaisirs simples.

« quand l’homme sera sage » (1) + « cage » (2)

PSCC Temps ; rime surprenante « sage » / « cage »

Les 2 formules captent l’attention : c’est folie d’instruire les enfants par la contrainte. La rime rassemble les 2 termes du nom « saccage » et fait penser à un type d’erreur commune (confusion entre le s et le c).

« un jour » (1)

GN mis en relief dans le vers (pas en 1re position)

CCT qui annonce des jours meilleurs.

« sociétés » ; « leur front » (3-4)

personnification

Hugo associe le particulier et le général, présente le fonctionnement d’une nation comme un corps humain en bonne santé.

« sociétés » ; « sentiront » ; « redresser » ; « essors » (3, 4, 5)

allitération en [s] (effet d’insistance)

Une éducation où les professeurs rendent curieux leurs élèves, non en faire des machines d’apprentissage, afin que l’ignorance disparaisse à travers les générations.

« difformes » (3) ; « mieux compris » (4)

antithèse

Met en valeur le développement parallèle des enfants et d’une société adulte plus éclairée.

« ayant sondé les règles » (5)

groupe participial à fonction causale

Mise en valeur par l’antéposition de « des libres essors » ; reprend l’idée contenue dans « mieux compris ». Rime riche « aigles » / « règles ».

« la loi de croissance des aigles » (6)

métaphore

Hugo, pour montrer le manque de pensée libre des élèves, compare un élève à un aigle.

« le plein midi » ; « rayonnera » : « tous » (7)

champ lexical de la lumière ; pronom indéfini

Utiliser le Soleil, astre de la lumière (et donc de la raison). Mise à la rime du GPP « pour tous » (espoir, absence de nuance).

vers 8

2 infinitifs substantivés (grandeur de l’acte de « savoir » et d’« apprendre ») + parallélisme

Le mot « sublime », fait référence au divin et montre que plus un enfant sera initié au plaisir d’« apprendre », moins il sera ignorant et pourra s'élever et se rapprocher de la perfection morale.

« alors » (9)

adverbe de temps / conséquence

Le « je » passe à présent aux conséquences d’une meilleure attention prêtée aux enfants. Tout d’abord on aura éveillé la curiosité.

« tout en laissant au sommet » (9)

groupe participial prépositionnel

Hugo ne parle pas des contenus pédagogiques, mais de la manière de les aborder : les langues anciennes conservent une place importante.

« ces solitudes / Où l’éclair gronde […] rit » (10-11)

métaphore en apposition au groupe + enjambement + rythme ternaire + allit. en [r]

Cette PSR souligne le caractère universel et grave des « grands livres latins et grecs », la nécessité de les adapter à la maturité de l’élève.

« et qu’emplissent les vents immenses de l’esprit » (12)

2de PSR + allitération en [l] + assonances en [i] et [ȃ]

Dimension supérieure de certaines œuvres antiques : Iliade, Odyssée, Métamorphoses, La République, etc.

« esprit » et « rit » (11-12)

rapprochement par la rime

Volonté que l’apprentissage doit savoir se détacher de l’esprit de sérieux.

« c’est » (13)

présentation

Met en relief en début de phrase/vers les 2 moyens : «pénétrant d’explication tendre » + « faisant aimer ». 

« tendre » ; « aimer » (13-14)

champ lexical des sentiments

Association de l’affect à l’effort intellectuel : selon Hugo, l’un ne va pas sans l’autre.

« Homère » (15) ; « Virgile » (17)

2 métonymies

Rendre plus vivante la situation décrite. Équivaut à « œuvres d’Homère » ou « poèmes de Virgile ».

« son vaste reflux » (15)

GN, métonymie

Ce groupe évoque à lui seul le monde marin qui peuple les 2 épopées homériques, notamment l’Odyssée.

« emportera » (15) ; « l’écolier ébloui » (16)

futur simple ; article déf. à valeur généralisante

2 termes qui soulignent la puissance des œuvres étudiées, pourvu que l’enfant les aime. Expression de la certitude.

 

« une bête de somme attelée à Virgile » (17)

métaphore ; champ lexical du travail

Rappelle le cadre rural des poèmes de Virgile, auteur des Bucoliques et des Géorgiques.

« fouet » (19) ; « lourd cheval poussif », « pensum » (20)

métaphore filée du travail agricole

Rapprochement avec l’animal exploité, le « cuistre » et « l’abbé » incarnant tous deux la figure du maître dominant.

« on ne verra plus » (18)

négation temporelle

La conséquence envisagée est positif : Hugo annonce la fin de l’école comme lieu d’asservissement.

5 mots contenant le digramme -ou-

assonance en [u]

Insistance sur l’idée de souffrace éprouvée par l’enfant.

« chaque village » (21)

GN ; déterminant indéfini distributif

Valeur universalisante de « chaque ».

vers 21 à 27 : une phrase

Structure en 3 parties (les 2 premières selon un rythme quaternaire)

Période oratoire qui énonce l’importance des changements : le lieu d’apprentissage, l’écolier et le maître seront différents.

« lumière » ; « lucide » ; « trop noir » « ; « le jour » ; « ombre » ; « verra » ; disparaître » ; « idée »

champs lexicaux opposés

Souligne le passage de l’obscurantisme aux temps de la raison éclairée. « Idée » vient du grec ἰδέα (« apparence », « forme »).

« pour que le jour y pénétrât »

PSCC de conséquence au subjonctif

Cette construction, associée à l’adj. « jamais » (= « une fois »), montre l’insuffisance intellectuelle du maître d’école, appelé de manière péjorative « magister » (22)

« on verra disparaître » (26)

oxymore + enjambement

Effet d’insistance sur la radicalité du changement.

Dernier vers : une phrase (28)

antithèse sans conjonction + métaphore du jour

Structure en parallélisme qui oppose un participe présent à la césure (« chantant ») à un autre placé sous la rime (« grondant »). Nouvelle métaphore insistant sur l’idée que l’enfant n’est pas un être inférieur, mais bien l’homme en devenir qui n’en est qu’à son origine.

« vient » (28)

Présent de vérité générale

Valeur universalisante de ce temps : le poète se présente comme le détenteur d’une vérité qui soutient sa thèse.

 

 

 

Conclusion

 

Le poème ne traite pas des qualités d’Horace mais exprime la colère de Hugo envers les professeurs qui utilisent ce poète en guise de punition. Il convainc en rappelant qu'Horace chantait la vie légère et en rappelant que le but de l’enseignement scolaire est aussi d'initier à la vie sociale apaisée et de leur faire aimer le savoir.

 

Mais l’expérience scolaire relatée est l'expérience qu'ont pu faire tous ceux qui ont fréquenté le lycée à l'époque, c’est-à-dire une certaine jeunesse (quelques milliers de lycéens à son époque).

 

Victor Hugo nous persuade également, en mettant de l'âme dans sa poésie :

 

grâce à la force de vie qu'il déploie : énergie dans la colère et posture de rêveur, d'idéaliste, d’homme révolté contre les injustices ;

 

par le souvenir collectif (des lieux, des auteurs étudiés, des figures de professeurs).

 


 

Nous retrouvons cette plaidoirie en faveur du développement dans la société d’une éducation plus juste dans le poème « Melancholia », qui appartient aussi au recueil Contemplations, dont la thématique est liée au travail des enfants, alors autorisé en France.

 

 

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Texte 4/12 (1STI) - Objet d’étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle

 

 

 

Éléments pour une introduction

 

 

 

[Présentation de l’auteur, du recueil et du poème

 

 

 

Enfant sage, bon élève, il brille principalement dans les disciplines littéraires. C’est sa rencontre avec son jeune professeur Georges Izambard qui va le pousser à s’intéresser à la littérature en tant qu’artiste.

 

Commence une quête de liberté pour le jeune Rimbaud. Quête qui s’exprime par des fugues répétées, et par une volonté de révolutionner le langage poétique.

 

Le poème « Vénus anadyomène » se trouve dans le premier recueil d’Arthur Rimbaud : Cahiers de Douai. Ce recueil, dont Rimbaud a rassemblé en deux liasses de feuillets les poèmes, fut imaginé à l’occasion de ses fugues de 1870 mais ne sera publié qu’après sa mort. À noter que Rimbaud avait expressément demandé qu’on brulât ces poèmes de jeunesse.

 

Dans ce sonnet de la première liasse, le poète représente une femme sous des traits empruntés à Vénus, déesse de la beauté, pour laisser voir progressivement sa vulgarité, sa laideur et sa maladie. Le poème se clôt par une audace : faire rimer Vénus avec « anus ».

 

C’est l’occasion pour le poète de prendre ses distances avec la poésie traditionnelle et le lyrisme en proposant une nouvelle esthétique poétique.]

 

 

 

Arthur Rimbaud vit à une époque où s’imposer en tant que poète, après Hugo, Lamartine ou Baudelaire, exigera de lui de s’engager dans une entreprise de renouvellement de la langue poétique.

 

Dans un poème du même recueil, « Soleil et Chair », Rimbaud avait donné une image somme toute assez traditionnelle de la figure de Vénus. Avec « Vénus anadyomène », c’est une toute autre vision de la déesse de l’amour et de la beauté que propose le jeune poète de 16 ans : celle d’une femme, peut-être même d’une courtisane, malade et repoussante.

 

 

 

Poème majeur du recueil Cahiers de Douai, il s’appuie sur le thème antique (représenté par le peintre de l’Antiquité Apelle), ici parodié, de « Vénus sortie des eaux » (en grec ancien Ἀφροδίτη ἀναδυομένη), dans le but de proposer une nouvelle esthétique poétique. Du point de vue de la langue, en effet, ἀναδυομένη est le participe présent d’un verbe signifiant « surgir, sortir de », que l’on trouve dans l’Iliade d’Homère.

 

 

 

Arthur Rimbaud fait donc appel à des topoi artistiques qu’une œuvre picturale majeure a exploités :

 

La Naissance de Vénus, 1485, de Sandro Botticelli,

 

où Vénus est représentée sortant d’un coquillage, conformément à de nombreuses œuvres de l’Antiquité, comme la fresque de la Maison dite de Vénus à Pompéi. Cette image traditionnelle est très utilisée en peinture. Or dans le poème de Rimbaud, une vieille baignoire remplace le coquillage.

 

 

 

La Naissance de Vénus, 1863, Alexandre Cabanel

 

Ici, Vénus nait de l’écume des eaux, qui provenait, selon le mythe ancien, du sperme d’Ouranos, mutilé par son fils Cronos. C’est l’autre représentation la plus répandue de sa naissance. Les couleurs de ce tableau, peint moins de dix ans avant l’écriture du poème de Rimbaud, sont reprises dans le premier quatrain. L’oeuvre rencontra un accueil mitigé, ses principaux détracteurs dénonçant la représentation d’une déesse trop humaine, en courtisane lascive.

 

Ainsi Rimbaud détourne cette figure et le topos de sa naissance pour rejeter le lyrisme traditionnel et proposer une nouvelle esthétique poétique : en effet, « Vénus anadyomène » s’inspire du mouvement parnassien (poésie du désengagement et de la création pure, conformément à la doctrine de « l’art pour l’art »), tout en le dépassant par son originalité thématique et stylistique.

 


 

I. Strophe 1 : vue d’ensemble de la femme qui sort de la baignoire

 

-1er quatrain d’un sonnet, dont l’objet serait classiquement l’expression de l’admiration ou de l’amour envers une femme aimée et magnifiée (voir les célèbres sonnets galants de Ronsard).

 

-Les premiers mots du poème : « Comme d’un cercueil » peuvent rappeler le premier vers d’un poème de Ronsard : « Comme un chevreuil » (Les Amours de Cassandre). Les sonorités sont très similaires. On voit donc d’emblée la volonté parodique de Rimbaud qui reprend un grand poète de cour, membre de la prestigieuse Pléiade, pour déformer ses mots.

 

-De plus, le nom « cercueil » s’oppose au thème de la naissance de Vénus car il suggère l’idée de mort. Une vision effroyable remplace incroyablement l’éblouissement esthétique attendu.

 

-L’emploi de l’article indéfini « une » devant « tête » montre la volonté de désincarner la figure représentée.

 

-Les couleurs présentes dans les vers 1 et 2 : « vert » ; « blanc » ; « bruns » peuvent également rappeler le tableau de La Naissance de Vénus par Cabanel. Seulement ici, ces couleurs censées désigner la mer et l’écume de manière méliorative qualifient en fait une baignoire usée.

 

-L’adjectif épithète péjoratif « vieille » qualifie « baignoire » confirme d’ailleurs cette lecture : ce que le poète veut donner à voir, c’est une femme qui émerge de la baignoire (l’analogie produit un effet de diminution parodique).

 

-La beauté naturelle est en outre remplacée par le caractère artificiel de la mortelle, en témoignent ses cheveux « fortement pommadés » (rapproché de « ravaudés » par la rime croisée et par l’antéposition des adverbes « fortement » et « assez mal ») : la femme peine à masquer les marques du vieillissement.

 

-Cependant, même avec tous ses artifices, la femme ne peut cacher sa laideur, comme le montre le GNP « avec des déficits mal ravaudés », là où le lecteur attendrait la mention d’un ou plusieurs attributs divins.

 

-L’animalisation caractérise aussi la femme décrite, notamment par la rime « tête » / « bête ».

 

-Sur le plan du rythme, les enjambements entre les vers 1-2 et 2-3 créent un déséquilibre et une disharmonie à l’image de la femme présentée ici.

 


 

II. Description du corps dégradé de la femme, tout en pudeur, vu de dos : strophes 2 et 3

 

-Commence par l’adverbe de liaison : « puis ». Cet adverbe, repris au vers 7, montre une volonté de décrire la femme de manière très précise, en insistant sur les détails dévalorisants.

 

-L’animalisation se poursuit car l’énonciateur évoque, non pas le cou, mais le « col » de la femme. On assiste à une sorte de transformation en quadrupède domestiqué.

 

- L’expression « larges omoplates / Qui saillent » soulignent la masculinité et la maigreur : deux qualités à l’opposé des attributs physiques de la déesse de la beauté. Notez le rejet du verbe au vers 6.

 

-De plus, le poète cherche à donner un sentiment désagréable au lecteur, notamment par l’usage de l’allitération en [g] (sur les monosyllabes « gras et gris », qu’on appliquerait volontiers à un animal) qui émet un son disgracieux.

 

-Le parallélisme des PSR suggère que les mouvements de la femme sont répétitifs et évoque celui d’un animal (« le dos court qui rentre et qui ressort »).

 

-Pourtant, la maigreur est contredite par « les rondeurs des reins » au vers 7. Ce contraste disharmonieux s’oppose parfaitement à la perfection habituelle de Vénus.

 

-On note que la strophe 2 tout entière est parcourue par l’allitération en [r], qui consiste à parasiter le portrait pourtant peu flatteur par l’émission de sons désagréables, proches d’un râle.

 

-La « graisse » (nom inapproprié dans les portraits de divinités) remplace les « formes » parfaites de la Vénus traditionnelle. Au contraire, paradoxalement elle « paraît en feuilles plates », ce qui signifie que ces amas lipidiques ne confèrent aucune rondeur, mais constituent des strates qui semblent s’ajouter au corps de la femme.

 


 

-Le premier tercet apporte une nouvelle couleur au tableau d’ensemble : le rouge, couleur qui vient s’opposer à la blancheur pure avec laquelle est fréquemment représentée Vénus. L’adjectif surprend : on attendrait un terme mélioratif comme « vermeil » ou « rubis ». Ici, « l’échine est un peu rouge » : cette image bouchère suggère une fois de plus que la colonne est saillante, au point que la maigreur de la femme décrite apparaît comme maladive. On note de nouveau l’emploi de l’adverbe « un peu », qui met en valeur le défaut chromatique, ainsi qu’une reprise de sonorité (assonance en [u], qui traverse le tercet).

 

-Dans cette strophe, le poète mobilise plusieurs sens du lecteur pour mieux montrer l’aspect déplaisant de la femme décrite. On trouve l’odorat avec « sent », le goût avec « goût » et la vue avec « voir » et dans l’expression familière « à la loupe » : le lecteur a donc affaire à une synesthésie détournée dans laquelle le poète sature sa description de détails afin de confronter le lecteur à la laideur de la femme considérée dans son ensemble (« le tout »).

 

-L’oxymore mis en relief par le rejet « horrible étrangement » donne un nouveau sens à la laideur. Le goût est horrible, mais suscite la curiosité du poète. Il faut donc voir ici une sorte de beauté du laid, du mal, qui attire Rimbaud. On peut rapprocher cela de sa volonté de combattre la poésie traditionnelle et son éloge de la beauté ; en cela cet éloge paradoxal le rapproche de ses aînés Hugo (« J’aime l’araignée et j’aime l’ortie », Contemplations) et Baudelaire (« Une Charogne », Les Fleurs du mal).

 

-Se poursuivent dans cette strophe les jeux d’enjambements qui disloquent le rythme traditionnel. Ces enjambements continuent de mimer l’ondulation disgracieuse et interminable de la femme.

 

-Aux v. 10-11, Rimbaud s’éloigne également du lyrisme traditionnel dans lequel le « je » et les sentiments personnels sont exacerbés. Ici, le pronom impersonnel « on » remplace le « je », et les sentiments personnels sont absents, au profit de l’objet décrit. En outre, la dernière remarque est énoncée par la construction impersonnelle « il faut ». En cela, le poème se rapproche de l’esthétique parnassienne que Rimbaud recherche dans ses plus jeunes années : le lecteur, intrigué par cet effet d’attente marqué par les points de suspension, anticipe la pointe finale du sonnet. Sera-ce un charmant détail ou au contraire un ultime défaut physique ?

 

III. La chute audacieuse de l’évocation du postérieur : dernière strophe

 


 

-Chute dans les deux sens du terme : la surprise, et la fin du mouvement descendant, contre-intuitif dans le cas d’une Vénus sortant des eaux. 3 vers marqués par une accélération : nous passons des « reins » (v. 12) à la « croupe » (v. 13), puis à l’« anus » (v. 14).

 

-Comme souvent dans les sonnets, le dernier tercet offre une chute. Elle est ici double. D’une part, la femme semble porter en tatouage un nom latin qui évoque celui d’une courtisane : « Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus » (« illustre Vénus »). « Clara Venus » représente, par sa position sur le corps de la femme, la vulgarité : il est placé sur ses reins ; cela contraste avec sa mise en valeur dans le vers 12, en dernière position, et avec la référence littéraire au premier vers d’un sonnet de Louise Labé : « Clere Venus, qui erres par les cieux ».

 

-Cette désignation infamante amorce une rime qui permet à Rimbaud de clore le poème en rompant définitivement avec l’esthétique traditionnelle : la trivialité s’oppose ici à l’emphase avec laquelle le thème de Vénus anadyomène est habituellement traité.

 

-Au vers 13, le groupe nominal « tout ce corps » déshumanise la femme (on retrouve l’indéfini « tout ») Elle n’est plus qu’un corps, qui plus est repoussé par le démonstratif « ce ». Il est présenté comme un objet de dégoût presque inqualifiable.

 

-La posture ostentatoire de la femme est suggérée par l’emploi du verbe « tendre » dans « tend sa large croupe ». Elle présente donc un postérieur, dont la vision n’est pas agréable. La métaphore « large croupe » animalise la femme et ironise sur la laideur de son arrière-train, comparé à celui d’un cheval.

 

-Le dernier vers s’ouvre par un tiret long (qui semble annoncer la surprise au lecteur) et un nouvel oxymore, qui rappelle le précédent : « Belle hideusement ». Rimbaud fait ici encore une fois l’éloge de la beauté du laid et s’éloigne des canons de l’esthétique poétique. L’inversion met par ailleurs en relief l’adjectif « belle ». D’ailleurs, l’assonance en [ε] dans ce vers crée un rapprochement de deux mots accentués : « belle » et « ulcère ». On sent donc la volonté du poète d’ajouter à la laideur d’ensemble l’expression d’un sincère intérêt.

 

-La pointe du sonnet achève le processus de dégradation : l' « ulcère à l’anus » ferme trivialement le sonnet, en soulignant implicitement les conditions de vie et d’hygiène déplorables de cette prostituée.

 


 

Conclusion

 

Nous avons pu voir que Rimbaud développe une parodie du topos de Vénus sortie des eaux. En se moquant des critères de beauté traditionnels et du lyrisme poétique, le jeune poète se range du côté des parnassiens tout en laissant déjà entrevoir la révolution du langage qu’il prépare.

 

Ainsi, en faisant le portrait vénusien d’une femme laide et malade, Rimbaud se moque de la tradition artistique et rejette le lyrisme convenu : le jeune poète commence, à 16 ans, sa révolution poétique avec ce poème amusant et irrévérencieux. On peut presque y lire un art poétique en cela qu’il propose une nouvelle vision du beau et de la création.

 

En outre Rimbaud livre ici une forme d’alchimie poétique. Comme Baudelaire, dans son recueil Les Fleurs du Mal avec des poèmes tels que « Une Charogne », il se propose de dépasser pour la sublimer la laideur, et de transformer la boue en or. Nous pouvons également rapprocher ce poème d’« Ophélie », qui partage avec lui la double thématique de l’eau et de la femme, dans une approche renouvelée des grâces féminines.

 

 

 

 

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Texte 5/12 (1STI) - Objet d’étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle

 

 

 

Introduction

 

Arthur Rimbaud a manifesté très tôt sa révolte contre l'ordre social. Âgé de 16 ans, il échappe à l’emprise de sa mère et fuit Charleville (ville des Ardennes), poussé par un besoin de liberté qui ne se démentira jamais et par le désir de créer. Ce poème, « Ma Bohème (Fantaisie) », se présente sous la forme d'un sonnet qui fait l’éloge d’une forme d’errance inspiratrice : rappelons d’emblée qu’un « bohême » (ou « bohème ») est à l’époque de Rimbaud un membre de tribus errantes venues de l'Orient et qu'on donnait pour originaires de la Bohême (région d'Europe centrale qui constitue la partie occidentale de la République tchèque). Au féminin, ce nom signifie à la fois à l’époque de Rimbaud « vagabondage » et « groupe d’artistes menant une vie hors des cadres sociaux ».

 

En effet, ce poème a très probablement été composé à la fin de la fugue du poète, en octobre 1870. Une première échappée en direction de Paris, le 29 août 1870, avait fini pour le jeune Rimbaud à la prison Mazas. Il n’avait pas pu payer la totalité du billet du train. L’adolescent demande alors de l’aide à Georges Izambard, son professeur de rhétorique au collège de Charleville, devenu un confident et un ami qui joua un rôle important dans la naissance de sa vocation poétique. Ce dernier envoie de l’argent et se porte garant. Libéré et escorté au train, Rimbaud prend la direction de Douai où Georges Izambard est en congés d’été dans la maison familiale de ses tantes Gindre. « Ma Bohème » fait partie de l’ensemble des Cahiers de Douai (il clôt le second cahier) ; symboliquement très chargé, il permet au poète d’exprimer autant ses idéaux de vie que ceux de poète.

 

Sensibles à l’unité d’un poème dont les quatre strophes associent une notation concrète à un sentiment exalté, nous pourrons résoudre la problématique suivante : comment ce poème transforme-t-il le récit de pénibles fugues (strophes 1 et 2) en une expérience joyeuse et créatrice (strophes 3 et 4) ?

 

 

 

Fantaisie (titre)

 

Polysémie du nom. « Désir, goût passager, singulier, qui ne correspond pas à un besoin véritable » / « Caprice, désir, envie » / « Imagination créatrice, faculté de créer librement, sans contrainte ». Le lecteur peut interpréter le poème en prenant en compte cette 3e définition.

 

 

 

Ma Bohème Je/ m' / j'

 

Utilisation du pronom personnel et des déterminants possessifs de 1re personne, souvent en première position.
➔ L'auteur réalise son portrait
en mouvement, célèbre son individualité et la découverte de sa liberté.

 

L'expression de la liberté associée à la césure irrégulière du vers 1 (4 + 8 syllabes).

 

 

 

Mes poches crevées / Mon paletot devenait idéal / unique culotte / large trou / mes souliers blessés
➔ Termes affinant la description indiquant le délabrement des vêtements du jeune homme mais aussi son insouciance
(légèreté qu’on peut associer à l’assonance en [e]). À rapprocher du titre « Ma Bohème ».

 

une garde-robe peu fournie ("unique culotte") et en piteux état ("crevées" ; "large trou" ; "souliers blessés", donc usure ; "paletot " devenu "idéal" ; par conséquent il n'est plus qu'une idée de manteau.
➔ Usage de termes familiers ;
cette liberté est aussi d'ordre lexical.

 

Hiatus ou liaison difficile, entre « paletot » et « aussi » : mise en valeur de l’originalité, de la laideur ; remise en cause de la notion d’harmonie sonore.

 

 

 

Je m'en allais/ j'allais / j'égrenais

 

Verbes marquant le déplacement.

 

Valeur durative de l’imparfait, très fréquent ; une fugue présentée comme importante, fondatrice.

 

Chiasme des vers 3-4 et 6 qui met ce rêve au cœur de la scène en l’associant à son carburant qu’est le déplacement : "j'allais [] rêvées // rêveur [] course".

 


Muse ! J'étais ton féal...

 

Utilisation du discours direct pour interpeler la muse de la poésie lyrique, Érato ; cette apostrophe, quoique assez triviale ici, marque cette fois une forme de respect des conventions littéraires (on pense à l’adresse à la Muse du début de l’Iliade ou de l’Odyssée) : peut-être y pouvons-nous voir une intention parodique.

 

Recours à l'imparfait, verbe de la description et marquant l'habitude.

 

Une fuite totale :

 

- dans l' espace : "Je m'en allais", "j'allais" ; pour aller où ? venant d'où ? On ne sait pas : absence totale de précision.

 

- dans le temps : l'allusion à la "Muse" nous entraîne dans l'Antiquité ; le terme "féal" nous emmène au Moyen Âge (« fidèle à la foi jurée » ; « Partisan, ami dévoué et fidèle »).

 

Ce voyage ne correspond pas qu’à une fugue révoltée : il s’agit aussi d’un voyage initiatique qui révèle au jeune homme sa vocation de poète.

 


Oh ! là là ! Que d’amours splendides j’ai rêvées !

 

Niveau de langage familier, encore peu courant dans la poésie du XIXe siècle.

 

Le type de phrase exclamatif souligne l’influence de la marche sur le processus créateur : l’imagination de Rimbaud s’est développée et a compensé le dénuement matériel (rime entre « crevées » et « rêvées »).

 

 

 

Sous le ciel / à la grande ourse / auberge / bord des routes / au milieu des ombres / dans ma course

 

Nombreux compléments circonstanciels de lieu. L'imprécision des indications de lieu souligne le cheminement, l'errance et met l'accent sur les verbes de mouvement.

 

 

 

Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course / Des rimes

 

Métaphore filée qui associe les vers aux « cailloux guides » du personnage de Perrault. L’originalité de l’analogie (rapprochement à 4 éléments : Petit Poucet – cailloux / Rimbaud – rimes) est soulignée par le rejet du groupe « Des rimes ».

 


Rimes / rimant

 

Mise en relief par un rejet de « rimes ». La poésie est la principale activité du jeune vagabond.

 

les poings

 

Cette position caractéristique des mains met en lumière la révolte qui pousse le jeune poète à la fugue. Un personnage révolté qui refuse le conformisme bourgeois.

 

 

 

-Mes étoiles [...] avait un doux frou-frou.

 

Ces bons soirs de septembre [...]

 

[...] je sentais des gouttes de rosée [...]

 

Utilisation du tiret, liberté par rapport à la prosodie classique. Sert à indiquer une forme de rupture, peut-être celle qui marque le passage de la rigueur de l’errance à la douceur de la liberté.
➔ Marques d'un
e délicieuse communion avec la nature, féminine et protectrice. Cette vie est celle qu’il a choisie ; c'est "sa" bohème : l’absence de limites de son voyage lui permet des rêves "splendides" (rayonnants, radieux, d’une beauté éclatante). Les souvenirs récents de ses "bons" soirs de septembre sont agréables (assonance en [U] dans "doux frou-frou"). Le « je » poétique (qu’on ne peut associer qu’à Rimbaud revenu de son expérience à Douai) ne sent apparemment ni la pauvreté ni la fatigue.

 

 

 

Et je les écoutais / rimant au milieu des ombres fantastiques / où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur

 

Il est en communication avec le ciel et la terre (on a plus haut assisté à une confusion entre le monde terrestre et le monde céleste ("sous le ciel", v. 3 ; "Grande Ourse", v. 7)

 

➔ Vision enthousiaste d’un jeune poète dont l’imagination se nourrit des impressions sensorielles produites par la nature : sens de l’ouïe, de la vue, du toucher et du goût. Cette idée est exprimée par la comparaison (v. 11) de la rosée au « vin de vigueur », en référence avec les « vins » fortifiants de l’époque (le plus souvent des boissons ferrugineuses), soulignée par l’allitération.

 


rosée / vin de vigueur élastiques / lyre Petit-Poucet, féal

 

Nouvelle comparaison : ce rapprochement entre la lyre et les élastiques métamorphose l’objet ordinaire en instrument poétique.

 

Les termes « féal » et « lyre », qui se réfèrent à l’univers du roman courtois, cohabitent avec un vocabulaire plus trivial (« élastiques » ; « souliers »).

 

Caractère inhabituel de la rime riche entre « fantastiques » et « élastiques » est à souligner ; il rapproche la création de l’expérience inédite des rigueurs du voyage. Allitération en [m] du v. 12.

 

 

 

un pied près de mon cœur !

 

Le dernier vers d’un sonnet constitue toujours une chute nommée concetto, mais pas ici. Rimbaud convoque de nouveau ce désir de modernité puisque le dernier vers aborde, à l’image de tout le poème, le thème de l’errance permettant de célébrer une création poétique née de l’amour du vagabondage et des rencontres au sein de la nature. 

 

Originalité et fantaisie du rapprochement (le pied ; image du voyage).

 

Impression de légèreté (exclamation ; 6 monosyllabes, qui sont autant de « pieds » légers, si on tient compte de la signification de « pied » en métrique).

 

 

 

Conclusion

 

La poésie est devenue pour l’adolescent en marge de la société ce qui lui sert de point de repère (cf. v. 6  :  « Petit- Poucet rêveur, j'égrenais / Des rimes »), si bien qu’on comprend que Rimbaud renonce à une partie de ses origines (domicile familial, Charleville) pour fonder sa carrière d’homme libre, de poète qui marche en harmonie avec la nature.

 

Cette fuite du conformisme, cette recherche de l'insolite, d’un regard neuf sur le monde, mises en avant dans ce poème original, annoncent les futures créations de Rimbaud.

 

Éloge de la liberté, du vagabondage mais aussi de la poésie moderne, voilà comment nous pouvons interpréter « Ma Bohème ». Rimbaud célèbre, en effet, un bonheur, celui du bohémien, mais la nature lui octroie aussi une liberté, physique, intellectuelle qui se mue en liberté poétique. En vagabondant, il s’amuse des règles de la poésie traditionnelle, un brin provocateur et, ouvre, de la sorte, la voie à la modernité poétique, qu’on décèle chez Apollinaire ou Jacques Prévert au siècle suivant.

 

 

 

 

 

 

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Texte 6/12 (1STI) - Objet d’étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle

 

 

 

Introduction

 

La poésie est un art du langage visant à transmettre ses émotions, son expérience ou sa vision du monde par le biais de formes, rythmes, rimes, sonorités et figures de style. Généralement ce genre privilégie l'expression à la 1re personne. Toutefois, nous pouvons nous interroger sur la nature du « je » poétique.

 

Dans ses Cahiers de Douai, Rimbaud met souvent en scène un « je » autobiographique (procédé courant dans la poésie romantique du XIXe siècle) mais ce référent est parfois fictif, lorsqu’il ne renvoie qu’indirectement au poète ou encore lorsqu’il se dissimule derrière un « tu », qui indirectement implique le

 

« je ».

 

Mais le « je » peut être poétique, c'est-à-dire qu'il peut regrouper l'humanité entière. Rimbaud exprime cette idée lorsqu'il écrit à son ancien professeur Georges Izambard « je est un autre », dans une lettre que l'on nomme traditionnellement « Lettre du voyant » en 1871.

 

Ce poème de Baudelaire engage aussi un « je » dont les contours ne sont pas évidents ; toutefois nous pouvons penser que c’est en tant que spécialiste d’esthétique que s’exprime ce « je » lorsqu’il évoque une étonnante expérience de promeneur : la découverte d’un cadavre animal.

 

Précisons que le recueil Les Fleurs du mal se situe à la croisée de plusieurs mouvements ou courants. Baudelaire est en effet un grand admirateur d'artistes romantiques tels que Hugo ou Gautier (dans sa jeunesse) mais on ne peut pas dire que son œuvre se rattache à ce mouvement qui s'étiole alors depuis vingt ans. Le mouvement parnassien mené par Théophile Gautier ne permet pas non plus de rattacher l’œuvre de Baudelaire à cette tendance de « l’art pour l’art ».

 

28e poème du recueil, issu de la section « Spleen et Idéal », « Une charogne » se situe entre les poèmes « Le serpent qui danse » et « De profundis clamavi », tous inspirés par Jeanne Duval. Composé de douze quatrains alternant alexandrins et octosyllabes en rimes croisées, ce poème a pour thème un cadavre en décomposition qui étrangement permet au lecteur d'assister à la naissance d'une « fleur du mal » et de comprendre les étapes de l'activité poétique, leur sens et leur importance. Baudelaire fait le choix, avec « Une charogne », d'un thème nouveau : l'horrible pour affirmer le beau et déclarer son amour. Par là, le poète remet en question une conception importante de l'art : ne doit-il que cacher la laideur pour célébrer la beauté ?

 

 

 

Projet de lecture : Comment le poète s’émancipe-t-il des conventions de représentation du beau pour faire de l’immonde un objet poétique ?

 

 

 

Mouvements :

 

1er mouvement, strophes 1 à 4 : une macabre découverte

 

2e mouvement, strophes 5 à 9 : le travail de décomposition

 

3e mouvement, strophes 10-12 : les pouvoirs de la poésie

 

 

 

 

Citations + procédés littéraires

Interprétation

Titre

Connotation -ive de « charogne » + sonorités désagréables [H], [r] [G]

peu poétique, provocateur, désagréable

article indéfini : « une »

cadavre indéfini : de quoi ? de qui ? → mystère

1er mouvement : Une macabre découverte

Strophe 1

Impératif + pronom : « vous »

adresse intime : à la femme aimée

Article défini : « l’objet »

on ne sait pas de quoi on parle, mais l’article défini montre que lui et elle s’en souviennent → effet d’attente, car l’objet n’est défini qu’au v. 3 « une charogne infâme »

Apostrophe : « mon âme »

connotation amoureuse

Redondance « charogne »+ « infâme »

effet d’insistance sur l’horreur de la découverte

Antithèse et oxymore : « beau matin d’été  si doux » / « charogne infâme »

+ antithèses à la rime : âme/infâme, doux/cailloux

fusion du beau et du laid

Polysémie : « un lit »

« lit » de la rivière ou de la chambre → contribue à personnifier le cadavre comme s’il s’agissait d’une femme

Strophe 2

Personnification dégradante : « les jambes en l’air »

connotation sexuelle

Comparaison dégradante et sexuelle : « comme une femme lubrique »

association de la charogne et de la femme désirée

Connotation polysémique : « brûlante et suante »

évoque soit la fièvre amoureuse, soit la maladie

Métaphore : « ouvrait […] son ventre »

ventre : siège de la sexualité → image très crue, provocante

CL du mal : « lubrique », « poisons », « cynique »

cadavre lié au péché, au mal

Strophe 3

Antithèse : « soleil »/ « pourriture »

fusions beau/laid, vie/mort (rappel du titre « Fleurs du mal »)

Antithèse : « ensemble », « joint » / « rendre au centuple »

la nature unit, le cadavre est en état de décomposition avancée → le vie unit, la mort décompose

Allégorie : « la grande Nature » + verbe d’action « elle avait joint »

personnification majestueuse : la Nature est unificatrice (comme l’artiste)

Comparaison culinaire : « cuire à point »

très provocateur : comme si on pouvait imaginer manger la charogne (ce que la chienne fera à la strophe 9) → fascination pour le dégoûtant, l’horrible

Strophe 4

Oxymore : « carcasse superbe »

beauté repérable dans la laideur

Comparaison : « comme une fleur »

comparaison étonnante d’un cadavre et d’une fleur → lien beau/laid

Antithèse + rapprochement paronymique : « s’épanouir »/« évanouir »

laid et beau s’alimentent l’un l’autre : quand l’un s’éveille, l’autre s’endort

Opposition et rapprochement dans 1 rime interne : « puanteur »/« fleur »

rapprochement étonnant qui lie encore une fois le laid et le beau

2e mouvement : le travail de la décomposition

Strophe 5

Évocation de la mort et de la pourriture : « putride », « noirs », « haillons », « épais  liquide »

mort évoquée comme une décomposition, un éparpillement

Image concrète, très visuelle : « larves », « mouches » (au pluriel), « épais liquide »

présence de la mort dans sa forme la plus concrète et visible de la décomposition

Lexique de la vie : «bourdonnaient », « sortaient », « bataillons », « vivants »

de la mort sort la vie : paradoxe ; cycle vie/mort

Image de naissance : « ce ventre […] d’où sortaient »

la mort donne naissance à la vie

2 enjambements : « noirs bataillons / De larves »

accompagne l’écoulement de « l’épais liquide », comme si cela ne s’arrêtait jamais

Verbes d’action à l’imparfait : sorte de mouvement permanent et perpétuel

continuité de la vie qui sort de la mort ; caractère durable de la vision (se plaît à contempler?)

Strophe 6

 

 

 

Gradation dans la multitude : « tout cela », « enflé », « multipliant »

expansion du cadavre comme si de l’un naissait le multiple

Verbes de mouvement : « descendait », « montait », « s’élançait »

paradoxe absolu du cadavre vivant, effet fantastique

Comparaison « comme une vague » et métaphore « souffle vague »

images issues de la nature avec idée de distribution, d’expansion

Comparaison avec connotation d’accouchement : « on eût dit que le corps, enflé […] vivait »

B. file l’image de la naissance, commencée à la strophe précédente : comme s’il y avait eu relation intime entre la femme et la nature (strophe 2), et que de cette union naissait la vie

Allitération en [v]

vibration, vrombissement des mouches = vie

Strophe 7

Métaphores musicales : « étrange musique », « mouvement rythmique »

strophe lyrique, en décalage avec ce qui précède : il ne s’agit plus de provoquer (lier le beau et le laid) mais de faire émerger une nouvelle forme de poésie : montrer que de la laideur surgit la beauté

Comparaison avec des éléments naturels : « comme l’eau courante et le vent »

idée d’écoulement, qui poursuit la comparaison de l’ « épais liquide » : continuité beau/ laid ou vie/mort.

Lexique du mouvement : « agite », « tourne », « mouvement »

+ assonance en [B]

éparpillement de la vie aux quatre vents, dispersion dans la nature. Le son [B] rythme la strophe.

allitération en [v]

vibration, vie

Strophe 8

CL de l’oubli : « s’effaçaient », « oubliées », « souvenir »

la mort comme disparition, dilution des formes et des souvenirs

Métaphores artistiques : « formes », « ébauche », « toile », « artiste »

par opposition, l’art serait une manière de fixer des formes, afin qu’elles ne s’effacent pas. L’art serait une manière de dépasser la mort.

Métaphore : « l’artiste achève »

fonction de l’artiste : unir ce qui se décompose, rassembler les souvenirs éparpillés, les fixer pour l’éternité sur sa toile ou dans un poème.

Strophe 9

Cadre spatial : « derrière les rochers »

allitérations en [r] et [n]

retour au récit après la parenthèse lyrique des strophes 7 et 8 ; récit dur, avec sonorité rauque.

Gradation : « Charogne » (§ 1) → « carcasse superbe » (§ 4) → « le corps » (§ 6) → le « squelette »

gradation dans la décomposition : auparavant, la charogne était comparée à une femme, désormais, elle n’est plus qu’un tas d’os.

GN « le morceau »

fragmentation du cadavre qui part en morceaux : la mort comme éparpillement

Enjambement : « reprendre… / Le morceau »

continuité vie/ mort + la mort nourrit la vie (le squelette nourrit la chienne)

3e mouvement : Les pouvoirs de la poésie

Strophe 10

Tiret + adverbe adversatif « pourtant » + retour au dialogue avec le pronom « vous »

marquent une rupture : après le récit, le poète semble entamer une morale

Futur de certitude « serez »

certitude ironique et horrible

Comparaison « vous serez semblable à cette ordure / à cette horrible infection »

comparaison provocatrice et horrible, totalement en décalage avec les mots d’amour traditionnels

Apostrophes ronsardiennes : « Étoile de mes yeux », « soleil de ma nature », « mon ange, ma passion » (association de la femme aux éléments et au sublime)

clin d’œil aux poètes de la Pléiade, notamment à Ronsard → Baudelaire signe ce poème comme étant une parodie de l’ « Ode à Cassandre » de Ronsard. Contraste saisissant entre l’évocation gothique de la mort et ces apostrophes lyriques.

Strophe 11

Exclamation « Oui ! »

confirmation presque joyeuse de la mort à venir

Réitération de la comparaison « telle vous serez »

confirme de nouveau la décomposition future de la femme aimée. Là encore, parodie du Carpe Diem de Ronsard, dans l’« Ode à Cassandre »

Apostrophe lyrique : « ô la reine des grâces »

lyrisme décalé, humoristique → on est dans le registre héroï-comique (employer un style élevé pour aborder un sujet bas). Noter que les Grâces dans la mythologie sont les déesses de la beauté. Idée que la beauté deviendra laideur… mais heureusement, le poète est là pour fixer cette beauté à jamais.

Futur de certitude « serez », « irez »

aucun doute possible sur le devenir de la femme

Indicateur spatial « sous l’herbe et les floraisons grasses » + verbe « moisir »

la femme appartiendra au domaine du bas, de la boue ; mais dans le même temps, sa décomposition nourrira la vie (cycle vie/mort)

Strophe 12

Apostrophe lyrique : « ô ma beauté »

 

reprend l’apostrophe de la Reine des Grâces : effet d’insistance sur sa beauté présente

Impératif présent « Dites »

le présent rend réelle, présente cette mort comme si elle était déjà là, l’actualise

Enjambement + expression employée au sens propre « à la vermine / qui vous mangera de baisers »

de nouveau la continuité vie/mort (dans l’enjambement) + union de l’Eros et du Thanatos (2 divinités de la mythologie grecque, 2 principales pulsions selon Freud → amour et mort imbriqués, inextricablement liés : l’amour est inséparable de la mort)

Pronom de la 1re personne du singulier : « j’ai »

1re occurrence du « je » (employé auparavant dans un « nous » qui associait la femme) → dissociation poète / femme aimée : elle est mangée alors qu’il garde sa forme originelle

Opposition singulier / pluriel : « gardé la forme et l’essence divine » / « mes amours décomposées »

le poète, par opposition à la femme, appartient au domaine du divin, de l’or grâce à la poésie → l’artiste est celui qui réassemble ce que la mort a décomposé → il unit, il donne une forme unique à ce qui se désagrège.

 

 

 

Conclusion

 

Ce poème sonne comme un Memento mori et montre tout le pouvoir de la poésie qui arrache les êtres et les choses au gouffre de la mort et à la réalité de la décomposition. Elle le fait par un processus très précis : l'artiste ne peut retenir du réel que des impressions mortes, désignées ici par la figure du cadavre. Sa sensibilité, son génie consiste à les ressusciter sous une forme sublimée. Le poète métamorphose la mort en vie et, par son art, transforme le vulgaire, le banal, l'horreur en un chef-d'oeuvre. Mais ce poème se révèle très novateur dans la mesure où les codes de la poésie traditionnelle (éloge de la beauté de la femme aimée) sont complètement inversés ; il propose ainsi une réécriture de la poésie amoureuse et s’émancipe, comme Rimbaud dans sa « Vénus anadyomène », des codes de la littérature.

 

On peut dire que Baudelaire défend l’idée d’une émancipation créatrice en forgeant le poème « Une charogne ». Inclassable et à la croisée des chemins, le poète a connu la déception politique de 1848, comme de nombreux romantiques, mais il s’est aussi rapproché des parnassiens, dans l'idéal de recherche de la beauté de l'art, et des symbolistes dans sa recherche de la correspondance des sens et par ses inspirations provenant des autres arts. Par son originalité esthétique, le dandy ouvre ici la voie à la modernité poétique, dont il est le précurseur.

 

Dans le poème « À une mendiante rousse », du même recueil, Baudelaire se rapproche davantage de Théophile Gautier et des Parnassiens, qui prônaient le travail méticuleux de la langue, afin de célébrer l’union de la laideur et de la beauté et de créer, avec humour, un éloge paradoxal et un pastiche des poèmes de la Renaissance.

 

Grammaire

 

Analysez les propositions dans les phrases suivantes :

2 PSR déterminative s PS Conjonctive complétive

 

2 PSR explicatives PS Conjonctive circonstancielle

 

PS Infinitive complétive

 

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme, ce beau matin d'été si doux : au détour d'un sentier une charogne infâme sur un lit semé de cailloux, les jambes en l'air, comme une femme lubrique, brûlante et suant les poisons, ouvrait d'une façon nonchalante et cynique son ventre plein d'exhalaisons.

 

Le soleil rayonnait sur cette pourriture, comme afin de la cuire à point, et de rendre au centuple à la grande Nature tout ce qu'ensemble elle avait joint. Et le ciel regardait la carcasse superbe comme une fleur s'épanouir.

 

La puanteur était si forte, que sur l'herbe vous crûtes vous évanouir.

 

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride, d'où sortaient de noirs bataillons de larves, qui coulaient comme un épais liquide le long de ces vivants haillons.

 

Tout cela descendait, montait comme une vague, ou s'élançait en pétillant ; on eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague, vivait en se multipliant.

 

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Cours du 5 février 2024
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Cours du 5 février 2024 (II)

 

Texte 2/16 (1A) - Objet d’étude : la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle

 

 

 

Introduction

 

Dès son arrivée à Paris, Gargantua s’empare des cloches de la ville et les accroche au cou de son énorme jument. Cette disparition est alors un grand inconvénient pour le peuple qui se réunit en Sorbonne et conclut que le plus expérimenté des théologiens de leur faculté irait convaincre le géant de les restituer à la ville. Ce chapitre, sorte de parenthèse romanesque et carnavalesque, précède le discours, inutile et ridicule, que Janotus de Braquemardo fera à Gargantua pour le convaincre. S’il réussit, ses confrères lui donneront une paire de chaussures (« chausses ») pour ses vieux jours.

 

Nous pouvons nous demander en quoi ce chapitre XVIII relève déjà de la critique, sous l'égide de la plaisanterie, des théologiens sorbonnards.

 

Notre explication tiendra compte des deux mouvements repérables dans ce texte :

 

a) Une description moqueuse de la troupe de Janotus (l. 1-10) ;

 

b) Le piège tendu à Janotus (l. 11-22).

 


 

a) Description moqueuse de la troupe de Janotus (l. 1-10)

 

-titre : met en valeur le nom ridicule de Janotus (« Bragmardo » = braquemart, terme qui désigne à la fois l’épée et le sexe masculin). À déceler dans « Janotus » : Jeannot + suffixe diminutif -tus = le petit Jeannot, Jeannot le niais, le simplet.

 

-portrait physique du théologien :

 

à la ligne 3, la périphrase « tondu à la césarine » indique une calvitie, tandis que le nom « lyripipion » désigne un capuchon pointu et allongé déjà désuet en 1535, comme le souligne le GNP « à l’antique ».

 

l. 4 : l’énumération se poursuit, avec le GN expansé « l’estomac bien antidoté de cotignac de four et eau bénite de cave », qui accuse la gourmandise et la propension à la consommation d’alcool. Le verbe pronominal « se transporta » suggère une certaine lourdeur.

 

-lignes 5-6 : « touchant devant soi trois vedeaux à rouge museau, et traînant après cinq ou six maîtres inertes, bien crottés à profit de ménage ». Où l’on apprécie le néologisme « vedeaux », à mi-chemin entre « bedeau » (employé d’une église) et « veau », le nez rouge des buveurs (« à rouge museau ») et l’allusion à l’apathie (« inertes ») et à la saleté des maîtres sorbonnards (« à profit de ménage », ironique, signifiant « utilement »).

 

-lignes 7-10 : Ponocrate prend peur (« frayeur ») ; le GN « quelques masques hors du sens » transporte le lecteur en plein carnaval : le décalage est donc complet entre la solennité attendue avant le discours de Janotus et l’apparence comique et peu flatteuse de la troupe. La satire de la Sorbonne s’attaque non plus à la lubricité (on se souvient de la vérole d’Holopherne), mais à l’apparence ridicule de la troupe des maîtres, ici assimilés à de grossiers noceurs.

 

-l. 9 : deux procédés d’insistance :

 

emploi du déterminant anaphorique « desdits » et répétition de l’adjectif qualificatif « inertes ». Le narrateur en fait une sorte d’épithète homérique, ce qui établit une relation d’identification à l’inertie des théologiens de la Sorbonne ;

 

dérivation de « masque » à « mascarade » : le champ lexical du déguisement (nous lisons également à la l. 6 « déguisés ») peut être rapproché de la satire de l’hypocrisie et du mensonge.

 

-l. 10 : réponse des théologiens, qui n’est pas empreinte du sérieux attendu (manque de précision comique, dans la mesure où les cloches sont des accessoires importants du carnaval).

 


 

b) Le piège tendu à Janotus (l. 11-22)

 

Gargantua et ses précepteurs vont décider de faire boire Janotus, afin de lui jouer un tour. Le récit prend un tour plus romanesque, où le suspense prend toute sa place.

 

-les désignations, précises, de la troupe de Gargantua : plus élogieuses que les précédentes :

 

« Ponocrate » (l. 7, 11 et 13) : celui qui vainc (de κρατέω) la peine (de πόνος) ; la ténacité et l’endurance, que ce « précepteur » va transmettre à Gargantua.

 

« Philotomie » (l. 13) : étymologiquement « celui qui aime la découpe » : Gargantua bénéficie des services de ce préposé au service de bouche.

 

« Gymnaste » (l. 13) : l’écuyer (de γυμναστής, maître de gymnastique, véritable professeur chez les anciens Grecs).

 

« Eudémon » (l. 14) : (εὐδαίμων : « heureux », « doué »), le jeune page de Des Marais, si habile dans l’art oratoire.

 

-présence d’un polyptote : dérivation autour de la racine répond- (l. 10, 12 et 15). La trame narrative se concentre sur l’accueil réservé aux sophistes de la Sorbonne.

 

-accélération du rythme narratif : PSP circonstancielle (l. 11) + 3 adverbes circonstanciels de temps « aussitôt », « sur-le-champ » et « sommairement ».

 

-modalité déontique (« ce qu’il convenait de faire », répété : l. 12 et 15) : une tension dramatique est ainsi communiquée au lecteur.

 

-l. 16 : désignation péjorative de Janotus par le GN « ce tousseux » (connotation de maladie ou d’artificialité) ; valeur dépréciative du déterminant démonstratif.

 

-néologisme « théologalement » : permet de se jouer des critiques et de la censure (que signifie cet adverbe de manière : boire « de manière raisonnable, comme un théologien » ? ou bien « plus que de raison, comme un sorbonnard, selon le cliché »?).

 

-la troupe des maîtres est donc retenue à l’« office » (l. 16 : arrière-cuisine), où elle cède à la tentation du boire. Le narrateur émet une précaution morale (la « vanité » de Janotus, péché chrétien, sera ainsi contenue (« n’entrât en vaine gloire », l. 17).

 

-l. 18-19 : le plan d’action est précisé, sur un rythme ternaire. Les trois autorités parisiennes assisteront au réquisitoire de Janotus, que le lecteur devine ridicule et déstructuré ; les cloches de Notre-Dame leur seront même rendues avant la fin du discours (l. 20) ! Le comique relève donc de la farce, ce qui est accentué par le contraste entre le sérieux exigé par la préparation du discours et la familiarité du verbe « chopinerait ».

 

-l. 20 : antiphrase du narrateur perceptible dans le GN « sa belle harangue ».

 

-l. 21-22 : brièveté des derniers énoncés du chapitre. Effet d’attente : le lecteur a hâte de lire les propos irrationnels de Janotus. Polyptote dans le gérondif « en toussant », qui rappelle « tousseux ».

 


 

Conclusion

 

Le lecteur comprend à la fin de ce chapitre que le discours de Janotus renversera tous les bons principes de clarté : arguments décousus, exemples inappropriés, association d’idées, propos sans cohérence, etc. Le narrateur aura ainsi capté l'attention des lecteurs afin de les prévenir du danger que représente la parole dans ce discours farcesque.

 

Cet extrait est de ceux qui font la transition entre l’ancienne éducation de Gargantua et celle, plus conforme aux idéaux humanistes, que lui proposera Ponocrate. Les tristes sorbonnards prônent une éducation morne et d’autant plus rébarbative qu’ils incarnent l’immobilisme, la mauvaise santé, une hygiène insuffisante et des appétits excessifs.

 

C’est contre cette représentation que se dresse l’homme nouveau de l’humanisme de la Renaissance, un homme dont les horizons géographiques, scientifiques et culturels se sont élargis. Ainsi, dans des œuvres comme Gargantua, l'humanisme fait émerger cette nouvelle vision du monde en nous invitant à redécouvrir les sources gréco-latines de notre civilisation, en critiquant certaines institutions et traditions du Moyen Âge, en renouvelant nos modes de connaissances et nos savoirs.

 

 

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Texte 3/16 (1A) - Objet d’étude : la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle

 


 

Éléments pour une introduction

 

Contexte du récit, afin d’expliquer le cadre et les personnages en présence 

 

Comme au chapitre XXXV, scène de combat, contexte guerrier (style d’écriture différent), déclenchement d’une guerre par Picrochole contre Grandgousier (galettes des fouaciers de Lerné refusées aux bergers du pays de Gargantua, XXV). Marquet frappe le berger Frogier.

 

Les fouaciers se plaignent à la cour de Picrochole, seigneur voisin de Grandgousier (XXVI).

 

Grandgousier a fait intervenir son fils dans le conflit (XXIX).

 

Manoeuvres pour la paix : l’ambassadeur Gallet produit un discours devant Picrochole (XXX-XXXI) + venue en personne de Grandgousier (offres généreuses en échange de la paix, rejetées par Picrochole, influencé par Touquedillon : XXXII).

 

XXXIII : plan des conquêtes territoriales de Picrochole.

 

XXXIV : entrée en guerre de G., Gymnaste rencontre les ennemis.

 

XXXV : premiers morts ; exploits de Gymnaste qui tue le capitaine Tripet et quelques hommes de Picrochole

 

XXXVI : prouesses de G., très légèrement blessé par un boulet de canon ; démolition d’un château.

 

XXXVII : repos comique des guerriers et festin.

 

XXXVIII : des pélerins sont accidentellement ingérés par Gargantua.

 

XXXIX : le moine Jean est récompensé par G., après le récit de Grandgousier ; nouveau portrait inattendu de Frère Jean, un bon vivant, mais aussi un vaillant guerrier.

 

XL : critique des moines par la voix narratrice qui orchestre le dialogue des convives : oisifs, peu cultivés.

 

XLI : derniers préparatifs de la troupe ; originalité des habitudes de Jean.

 

XLII : le moine reste pendu à un arbre.

 

XLIII : Frère Jean se fait capturer.

 

 

 

Présentation des personnages

 

-Frère Jean est le moine humaniste de l’abbaye de Seuilly, compagnon de Gargantua et qui représente l’esprit nouveau. Premier fait d’armes : chap. XXVII. C’est le second protagoniste de Gargantua, sorte de double vertueux du géant, qui apparaît dans maints chapitres de la seconde partie.

 

-Archers : aussi appelés « gardes » ; au nombre de deux au début du chap. XLIV ; les deux meurent dans l’extrait. Caractérisés par leur couardise, leur lâcheté.

 


 

Thématiques abordées

 

Parodie des récits épiques, médecine, courage et couardise, combat, comique de mots, comique de répétition, humanisme contre traditions absurdes ou croyances indiscutables.

 


 

Mouvements

 

1er mouvement (l. 1 à 6) : Mort du premier archer : la parodie anatomique du roman de chevalerie.

 

2e mouvement (l. 7 à 19) : Une demande de grâce inefficace.

 

3e mouvement (l. 20 à 25) : Seconde « dissection » : la lâcheté du second archer punie.

 


 

Problématique

 

Comment cette scène de combat particulièrement comique permet-elle à Rabelais de délivrer un message engagé contre les désastres des guerres de conquête ?

 

Mouvement 1

 

voc. précis de la médecine : caractère comique et intérêt pour la science (on a l’impression d’avoir affaire à une dissection, pratique nouvelle à l’époque) ;

 

énumération épique : souligne le courage et les ressources de Jean ;

 

nombreux verbes d’action au PS : succession de hauts faits (parodie du registre épique) ;

 

CC temps « aussitôt après » : rapidité d’exécution d’un héros ;

 

prépositions « avec » et « jusqu’aux » : intensité de la coup asséné ;

 

adverbe « tout » devant l’adjectif « mort » : issue fatale de sa victime ; il fait écho à l’adverbe précédent (« entièrement ») ;

 

conjonction de coordination « et » en début de seconde phrase : rapidité d’exécution ;

 

syntaxe de l’efficacité : 3 groupes participiaux au participe présent (« tournant », « voyant » « ayant ») ; eux aussi rappellent les structures participiales précédentes (« coupant », « retirant ») ;

 

peu de détails dans la phrase 2 : les circonstances s’effacent devant les paroles rapportées directement.

 

 

 

Mouvement 2

 

phrases exclamatives, interjections exprimant la terreur ;

 

répétition de « monsieur le prieur » : lâcheté, cherche à obtenir la merci ;

 

« je me rends » : la proposition, la parole remplace l’acte de se défendre les armes à la main ;

 

double jeu de mots : entre « prieur » (< prior, qui vient en premier) et « postérieur » (qui vient après), puis entre « postérieur » et « postères » (fesses) ;

 

futur simple : punition certaine (« vous aurez ») ;

 

ambition des gens d’Église (« fasse abbé ») : mais Jean est hermétique à ce genre de quête personnelle ;

 

jeu de mots de la part de Jean : « je vous ferai cardinal » = « de votre tête jaillira le sang » (« vous aurez un chapeau rouge ») ;

 

les 2 premières réponses de Jean montrent qu’il reste impassible devant les lâches supplications de l’archer ;

 

nouvelle mention des cris apeurés de l’archer + répétition des apostrophes cherchant à obtenir la grâce ;

 

nombreux monosyllabes (vivacité, dimension théâtrale – on imagine que Frère Jean s’approche ou le menace) + répétition du verbe « se rendre » ;

 

dernière réponse du moine : jeu de mots à partir de « rendre » (ici, envoyer à la mort).

 

 

 

 

 

Mouvement 3

 

« lors » : adverbe annonçant la dernière action, le coup fatal ;

 

nouvelle série de verbes d’action au PS (5 actions principales), entrecoupée de groupes participiaux au participe présent (2 actions) ;

 

nouvelles apparitions du champ lexical de la médecine (minutieuse description du cerveau) ; en cela Gargantua se distingue des récits épiques comme Iliade ;

 

adverbes ou GNP indiquant l’intensité des coups : « d’un coup », « avec une grande partie de », « profondément », « par derrière », « raidement » ;

 

là encore nous retrouvons le motif de la séparation totale du corps en deux parties égales ;

 

la comparaison actualise le couvre-chef promis : l’archer perd la vie mais gagne un « bonnet de docteur » !

 


 

Conclusion non rédigée

 

Portrait en action du « bon moine », ouvert aux nouvelles sciences, à l’idée de progrès, courageux, loyal, généreux, sans pitié pour l’ignorance, la bêtise, l’esprit de conquête.

 

Parodie des romans de chevalerie : R. introduit le rire pour mieux dénoncer les dérives bellicistes de son époque. Pensons à comparer cet extrait aux comparaisons homériques de l’Iliade.

 

 

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Texte 4/16 (1A) - Objet d’étude : la littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle

 

 

 

Introduction

 

Dans ce conte philosophique, Voltaire crée une fiction inspirée à la fois de L'Histoire des états et empires de la Lune de Cyrano de Bergerac (1657), des Entretiens sur la pluralité des mondes de Fontenelle (1689) et des Voyages de Gulliver de Swift (1726). Micromégas est un géant sirien (de la planète Sirius) de huit lieues de haut, philosophe en son pays, qui entreprend un voyage interplanétaire.

 

Micromégas est l'un des ouvrages les plus représentatifs de l'esprit des Lumières, car il concentre des éléments de critique sociale, religieuse, morale, philosophique, ainsi qu’une réflexion sur l'homme, sans oublier l'aspect scientifique, primordial pour les Encyclopédistes.

 

En effet, comme Gargantua de Rabelais, sous couvert de divertissement, ce récit d’aventures dénonce les maux dont souffre la société (préjugés, obscurantisme, fanatisme, bellicisme) au profit des idées des Lumières, issues de l’essor humaniste (raison, tolérance, foi dans le progrès, esprit d'observation et d'expérimentation). Le thème qui donne son unité au récit est le relativisme, contenu dans le nom même du personnage principal, qui est composé de deux mots grecs : mikros (« petit ») et megas (« grand »). Chaque composant de l'univers est un « micromégas », à la fois grand par rapport à plus petit que lui et petit par rapport à plus grand. Ainsi le grand et le petit n'ont rien d'absolu. C’est la croyance en un absolu fait naître des préjugés.

 

La taille de Micromégas et le point de vue sirien permettent à Voltaire de nous donner une leçon amusante de relativité. Micromégas, accompagné d’un « nain de Saturne » (géant beaucoup plus petit que lui), s'entretient avec un groupe d’humains philosophes qui reviennent d’une expédition au Pôle Nord, à bord d’un « vaisseau ».

 

 

 

Mouvements du texte :

 

Lignes 1-7 (jusqu’à « pour l’homme ») : les deux philosophies humaines ;

 

Lignes 7-20 : la farce des géants.

 

 

 

Nous allons étudier de quelle façon Voltaire, par la bouche des philosophes et les réactions des géants dénonce la limite des connaissances humaines et la vanité philosophique de ceux qui prétendent percer les mystères de la métaphysique.

 

 

 

 

 

Relevé

Identification

Interprétation

« l’animal de Sirius » (1)

 

Périphrase (GN)

Désigne Micromégas d’une manière neutre et souligne la focalisation sur le géant : mise en valeur du relativisme

« celui-là » (1) ; « le sectateur de Locke » (2)

 

pronom démonstratif à valeur anaphorique (reprend un personnage de l’avant-texte)

Philosophe anglais : philosophie prônant une pensée limitée aux sens humains, à l’expérience (héritage de Bacon) et présentée comme modeste.

« il ne trouva pas celui-là le moins sage » (1)

litote

Le Sirien trouve celui-là le plus intelligent.

«sans l’extrême disproportion » (2)

hyperbole

Aspect comique qui met en valeur la différence de taille entre le sectateur de Locke et le nain de Saturne.

« mais il y avait là » (2-3)

conjonction de coordination exprimant l’opposition

Apparition d’un problème, d’une péripétie retardant l’accès à une solution.

« petit animalcule en bonnet carré » (3)

périphrase + pléonasme

Propos péjoratif à l’encontre du théologien et animalisation des êtres microscopiques qui sont les humains.

« qui coupa la parole à tous les animalcules philosophes » (3-4)

proposition subordonnée relative + verbe au PS

Témoigne de l’audace et de l’orgueil du philosophe sectateur de Locke. Le PS exprime une inflexion du récit : un nouvel évènement rompt l’atmosphère de concorde.

« il dit qu’il savait tout le secret » (4)

hyperbole dans l’emploi du déterminant indéfini de la totalité

L’omniscience prétendue du théologien.

« Somme de Saint Thomas » (5)

GNP (Somme théologique)

Oeuvre monumentale de d’Aquin, théologien du XIIIe s., ouvrage référence de l’enseignement scolastique. Critique de Voltaire, qui oppose philosophie théologique à méthode scientifique.

« il regarda de haut en bas les deux habitants célestes » (5-6)

locution adverbiale + adjectif « célestes »

Caratère hautain du philosophe + incapacité de ses sens.

« leur soutint que leurs personnes, leurs mondes, leurs soleils, leurs étoiles » (6-7)

énumération de 4 GN désignant des parties de l’univers + gradation

Montre la prétention intellectuelle du sorbonnard, et sa maladresse rhétorique (4 éléments accumulés, au lieu de 3).

« tout était fait uniquement pour l’homme » (7)

emploi du pronom indéfini « tout » en fin d’énumération + adverbe

Procédé de reprise insistant sur le pouvoir exclusif des hommes. Voltaire dénonce l’anthropocentrisme.

« nos deux voyageurs » (7-8)

déterminant possessif

Complicité du lecteur avec les figures sympathiques des géants.

« se laissèrent aller l’un sur l’autre » (8)

périphrase verbale au PS

Comique de geste, caractère visuel de l’action : le lecteur se figure les deux personnages se tordant de rire

« ce rire inextinguible » + PSR (8-9)

déterminant démonstratif

Caractère rare et exceptionnel du fou rire des géants.

« le partage des dieux » (9)

GN

Supériorité des géants, rapprochés des dieux, sur les êtres humains.

« que le Sirien avait sur son ongle » (10)

PSR explicative (facultative)

Détail facultatif qui permet d’apprécier la différence de taille, donc la prétention intellectuelle du dernier philosophe.

« dans une poche de la culotte du Saturnien » (11)

GNP à fonction de CC Lieu

Détail facultatif qui permet d’apprécier la différence de taille, donc la prétention intellectuelle du dernier philosophe.

« bonnes gens » (11) ; « fort proprement » (12-13) ; « avec beaucoup de bonté (13-14)

GN + locution adverbiale + GNP

Grande générosité, « humanité » des deux géants, qui ne punissent pas les humains de leur vanité.

« les infiniment petits eussent un orgueil presque infiniment grand » (14-15)

hyperbole et antithèse contenues dans une PSCC de concession

Critique de l’orgueil et de la vanité des hommes. Ils sont impuissants à connaître leur nature et leur âme, i. e. leur univers. Micromégas n’adopte pas de posture morale et respectent les différences de points de vue, contrairement aux hommes.

« il leur promit […] pour leur usage » (15-16)

proposition principale

Met en valeur l’apparente simplicité de Micromégas ; le narrateur tend aussi un piège au lecteur, qui s’attend à une révélation.

« ils verraient le bout des choses » (17)

PSC complétive

Critique de l'eschatologie (du grec ἔσχατος, « dernier », et λόγος, « parole », « étude ») est le discours sur la fin du monde ou la fin des temps. Elle relève à la fois de la théologie et de la philosophie, en lien avec les derniers temps, les derniers événements de l’histoire du monde ou l’ultime destinée du genre humain.

Dernière phrase (17-20)

Mise en valeur, par l’effet d’attente, de la proposition « il ne vit rien qu’un livre tout blanc » (négation exceptive)

Déception anticipée des philosophes qui recherchent un but dans la fin d’une connaissance parfaite, finie. Critique des vérités révélées contenues dans les Écritures, telles que le retour du Christ ou l’arrivée d’un antéchrist.

 

 

 

Conclusion

 

Dans cet extrait, Voltaire s'amuse donc en jouant sur les différences de taille entre des géants venus d'autres planètes et des êtres minuscules que sont les habitants de la Terre. Mais il contient également un enseignement philosophique qui prône l'ouverture d'esprit et la rationalité. Cet enseignement permet de faire réfléchir le lecteur par rapport à la place de l'homme dans l’univers. À la fin du conte, Micromégas laisse aux hommes un livre qui doit leur permettre de voir « le bout des choses ». Ce livre « tout blanc » indique que le savoir n'est ni absolu ni définitif : il n'épuisera jamais la réalité, il restera toujours relatif !

 

Il sera possible de se demander comment, dans ses autres contes philosophiques (Candide, Zadig, L’Ingénu) Voltaire combat les idées d’intolérance et d’anthropocentrisme.

 

 

 

 

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Texte 5/16 (1A) - Objet d’étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle

 

 

 

Éléments pour une introduction

 

 

 

[Présentation de l’auteur, du recueil et du poème

 

 

 

Enfant sage, bon élève, il brille principalement dans les disciplines littéraires. C’est sa rencontre avec son jeune professeur Georges Izambard qui va le pousser à s’intéresser à la littérature en tant qu’artiste.

 

Commence une quête de liberté pour le jeune Rimbaud. Quête qui s’exprime par des fugues répétées, et par une volonté de révolutionner le langage poétique.

 

Le poème « Vénus anadyomène » se trouve dans le premier recueil d’Arthur Rimbaud : Cahiers de Douai. Ce recueil, dont Rimbaud a rassemblé en deux liasses de feuillets les poèmes, fut imaginé à l’occasion de ses fugues de 1870 mais ne sera publié qu’après sa mort. À noter que Rimbaud avait expressément demandé qu’on brulât ces poèmes de jeunesse.

 

Dans ce sonnet de la première liasse, le poète représente une femme sous des traits empruntés à Vénus, déesse de la beauté, pour laisser voir progressivement sa vulgarité, sa laideur et sa maladie. Le poème se clôt par une audace : faire rimer Vénus avec « anus ».

 

C’est l’occasion pour le poète de prendre ses distances avec la poésie traditionnelle et le lyrisme en proposant une nouvelle esthétique poétique.]

 

 

 

Arthur Rimbaud vit à une époque où s’imposer en tant que poète, après Hugo, Lamartine ou Baudelaire, exigera de lui de s’engager dans une entreprise de renouvellement de la langue poétique.

 

Dans un poème du même recueil, « Soleil et Chair », Rimbaud avait donné une image somme toute assez traditionnelle de la figure de Vénus. Avec « Vénus anadyomène », c’est une toute autre vision de la déesse de l’amour et de la beauté que propose le jeune poète de 16 ans : celle d’une femme, peut-être même d’une courtisane, malade et repoussante.

 

 

 

Poème majeur du recueil Cahiers de Douai, il s’appuie sur le thème antique (représenté par le peintre de l’Antiquité Apelle), ici parodié, de « Vénus sortie des eaux » (en grec ancien Ἀφροδίτη ἀναδυομένη), dans le but de proposer une nouvelle esthétique poétique. Du point de vue de la langue, en effet, ἀναδυομένη est le participe présent d’un verbe signifiant « surgir, sortir de », que l’on trouve dans l’Iliade d’Homère.

 

 

 

Arthur Rimbaud fait donc appel à des topoi artistiques qu’une œuvre picturale majeure a exploités :

 

La Naissance de Vénus, 1485, de Sandro Botticelli,

 

où Vénus est représentée sortant d’un coquillage, conformément à de nombreuses œuvres de l’Antiquité, comme la fresque de la Maison dite de Vénus à Pompéi. Cette image traditionnelle est très utilisée en peinture. Or dans le poème de Rimbaud, une vieille baignoire remplace le coquillage.

 

 

 

 

La Naissance de Vénus, 1863, Alexandre Cabanel

 

Ici, Vénus nait de l’écume des eaux, qui provenait, selon le mythe ancien, du sperme d’Ouranos, mutilé par son fils Cronos. C’est l’autre représentation la plus répandue de sa naissance. Les couleurs de ce tableau, peint moins de dix ans avant l’écriture du poème de Rimbaud, sont reprises dans le premier quatrain. L’oeuvre rencontra un accueil mitigé, ses principaux détracteurs dénonçant la représentation d’une déesse trop humaine, en courtisane lascive.

 

 

Ainsi Rimbaud détourne cette figure et le topos de sa naissance pour rejeter le lyrisme traditionnel et proposer une nouvelle esthétique poétique : en effet, « Vénus anadyomène » s’inspire du mouvement parnassien (poésie du désengagement et de la création pure, conformément à la doctrine de « l’art pour l’art »), tout en le dépassant par son originalité thématique et stylistique.

 


 

I. Strophe 1 : vue d’ensemble de la femme qui sort de la baignoire

 

-1er quatrain d’un sonnet, dont l’objet serait classiquement l’expression de l’admiration ou de l’amour envers une femme aimée et magnifiée (voir les célèbres sonnets galants de Ronsard).

 

-Les premiers mots du poème : « Comme d’un cercueil » peuvent rappeler le premier vers d’un poème de Ronsard : « Comme un chevreuil » (Les Amours de Cassandre). Les sonorités sont très similaires. On voit donc d’emblée la volonté parodique de Rimbaud qui reprend un grand poète de cour, membre de la prestigieuse Pléiade, pour déformer ses mots.

 

-De plus, le nom « cercueil » s’oppose au thème de la naissance de Vénus car il suggère l’idée de mort. Une vision effroyable remplace incroyablement l’éblouissement esthétique attendu.

 

-L’emploi de l’article indéfini « une » devant « tête » montre la volonté de désincarner la figure représentée.

 

-Les couleurs présentes dans les vers 1 et 2 : « vert » ; « blanc » ; « bruns » peuvent également rappeler le tableau de La Naissance de Vénus par Cabanel. Seulement ici, ces couleurs censées désigner la mer et l’écume de manière méliorative qualifient en fait une baignoire usée.

 

-L’adjectif épithète péjoratif « vieille » qualifie « baignoire » confirme d’ailleurs cette lecture : ce que le poète veut donner à voir, c’est une femme qui émerge de la baignoire (l’analogie produit un effet de diminution parodique).

 

-La beauté naturelle est en outre remplacée par le caractère artificiel de la mortelle, en témoignent ses cheveux « fortement pommadés » (rapproché de « ravaudés » par la rime croisée et par l’antéposition des adverbes « fortement » et « assez mal ») : la femme peine à masquer les marques du vieillissement.

 

-Cependant, même avec tous ses artifices, la femme ne peut cacher sa laideur, comme le montre le GNP « avec des déficits mal ravaudés », là où le lecteur attendrait la mention d’un ou plusieurs attributs divins.

 

-L’animalisation caractérise aussi la femme décrite, notamment par la rime « tête » / « bête ».

 

-Sur le plan du rythme, les enjambements entre les vers 1-2 et 2-3 créent un déséquilibre et une disharmonie à l’image de la femme présentée ici.

 


 

II. Description du corps dégradé de la femme, tout en pudeur, vu de dos : strophes 2 et 3

 

-Commence par l’adverbe de liaison : « puis ». Cet adverbe, repris au vers 7, montre une volonté de décrire la femme de manière très précise, en insistant sur les détails dévalorisants.

 

-L’animalisation se poursuit car l’énonciateur évoque, non pas le cou, mais le « col » de la femme. On assiste à une sorte de transformation en quadrupède domestiqué.

 

- L’expression « larges omoplates / Qui saillent » soulignent la masculinité et la maigreur : deux qualités à l’opposé des attributs physiques de la déesse de la beauté. Notez le rejet du verbe au vers 6.

 

-De plus, le poète cherche à donner un sentiment désagréable au lecteur, notamment par l’usage de l’allitération en [g] (sur les monosyllabes « gras et gris », qu’on appliquerait volontiers à un animal) qui émet un son disgracieux.

 

-Le parallélisme des PSR suggère que les mouvements de la femme sont répétitifs et évoque celui d’un animal (« le dos court qui rentre et qui ressort »).

 

-Pourtant, la maigreur est contredite par « les rondeurs des reins » au vers 7. Ce contraste disharmonieux s’oppose parfaitement à la perfection habituelle de Vénus.

 

-On note que la strophe 2 tout entière est parcourue par l’allitération en [r], qui consiste à parasiter le portrait pourtant peu flatteur par l’émission de sons désagréables, proches d’un râle.

 

-La « graisse » (nom inapproprié dans les portraits de divinités) remplace les « formes » parfaites de la Vénus traditionnelle. Au contraire, paradoxalement elle « paraît en feuilles plates », ce qui signifie que ces amas lipidiques ne confèrent aucune rondeur, mais constituent des strates qui semblent s’ajouter au corps de la femme.

 


 

-Le premier tercet apporte une nouvelle couleur au tableau d’ensemble : le rouge, couleur qui vient s’opposer à la blancheur pure avec laquelle est fréquemment représentée Vénus. L’adjectif surprend : on attendrait un terme mélioratif comme « vermeil » ou « rubis ». Ici, « l’échine est un peu rouge » : cette image bouchère suggère une fois de plus que la colonne est saillante, au point que la maigreur de la femme décrite apparaît comme maladive. On note de nouveau l’emploi de l’adverbe « un peu », qui met en valeur le défaut chromatique, ainsi qu’une reprise de sonorité (assonance en [u], qui traverse le tercet).

 

-Dans cette strophe, le poète mobilise plusieurs sens du lecteur pour mieux montrer l’aspect déplaisant de la femme décrite. On trouve l’odorat avec « sent », le goût avec « goût » et la vue avec « voir » et dans l’expression familière « à la loupe » : le lecteur a donc affaire à une synesthésie détournée dans laquelle le poète sature sa description de détails afin de confronter le lecteur à la laideur de la femme considérée dans son ensemble (« le tout »).

 

-L’oxymore mis en relief par le rejet « horrible étrangement » donne un nouveau sens à la laideur. Le goût est horrible, mais suscite la curiosité du poète. Il faut donc voir ici une sorte de beauté du laid, du mal, qui attire Rimbaud. On peut rapprocher cela de sa volonté de combattre la poésie traditionnelle et son éloge de la beauté ; en cela cet éloge paradoxal le rapproche de ses aînés Hugo (« J’aime l’araignée et j’aime l’ortie », Contemplations) et Baudelaire (« Une Charogne », Les Fleurs du mal).

 

-Se poursuivent dans cette strophe les jeux d’enjambements qui disloquent le rythme traditionnel. Ces enjambements continuent de mimer l’ondulation disgracieuse et interminable de la femme.

 

-Aux v. 10-11, Rimbaud s’éloigne également du lyrisme traditionnel dans lequel le « je » et les sentiments personnels sont exacerbés. Ici, le pronom impersonnel « on » remplace le « je », et les sentiments personnels sont absents, au profit de l’objet décrit. En outre, la dernière remarque est énoncée par la construction impersonnelle « il faut ». En cela, le poème se rapproche de l’esthétique parnassienne que Rimbaud recherche dans ses plus jeunes années : le lecteur, intrigué par cet effet d’attente marqué par les points de suspension, anticipe la pointe finale du sonnet. Sera-ce un charmant détail ou au contraire un ultime défaut physique ?

 

III. La chute audacieuse de l’évocation du postérieur : dernière strophe

 


 

-Chute dans les deux sens du terme : la surprise, et la fin du mouvement descendant, contre-intuitif dans le cas d’une Vénus sortant des eaux. 3 vers marqués par une accélération : nous passons des « reins » (v. 12) à la « croupe » (v. 13), puis à l’« anus » (v. 14).

 

-Comme souvent dans les sonnets, le dernier tercet offre une chute. Elle est ici double. D’une part, la femme semble porter en tatouage un nom latin qui évoque celui d’une courtisane : « Les reins portent deux mots gravés : Clara Venus » (« illustre Vénus »). « Clara Venus » représente, par sa position sur le corps de la femme, la vulgarité : il est placé sur ses reins ; cela contraste avec sa mise en valeur dans le vers 12, en dernière position, et avec la référence littéraire au premier vers d’un sonnet de Louise Labé : « Clere Venus, qui erres par les cieux ».

 

-Cette désignation infamante amorce une rime qui permet à Rimbaud de clore le poème en rompant définitivement avec l’esthétique traditionnelle : la trivialité s’oppose ici à l’emphase avec laquelle le thème de Vénus anadyomène est habituellement traité.

 

-Au vers 13, le groupe nominal « tout ce corps » déshumanise la femme (on retrouve l’indéfini « tout ») Elle n’est plus qu’un corps, qui plus est repoussé par le démonstratif « ce ». Il est présenté comme un objet de dégoût presque inqualifiable.

 

-La posture ostentatoire de la femme est suggérée par l’emploi du verbe « tendre » dans « tend sa large croupe ». Elle présente donc un postérieur, dont la vision n’est pas agréable. La métaphore « large croupe » animalise la femme et ironise sur la laideur de son arrière-train, comparé à celui d’un cheval.

 

-Le dernier vers s’ouvre par un tiret long (qui semble annoncer la surprise au lecteur) et un nouvel oxymore, qui rappelle le précédent : « Belle hideusement ». Rimbaud fait ici encore une fois l’éloge de la beauté du laid et s’éloigne des canons de l’esthétique poétique. L’inversion met par ailleurs en relief l’adjectif « belle ». D’ailleurs, l’assonance en [ε] dans ce vers crée un rapprochement de deux mots accentués : « belle » et « ulcère ». On sent donc la volonté du poète d’ajouter à la laideur d’ensemble l’expression d’un sincère intérêt.

 

-La pointe du sonnet achève le processus de dégradation : l' « ulcère à l’anus » ferme trivialement le sonnet, en soulignant implicitement les conditions de vie et d’hygiène déplorables de cette prostituée.

 


 

Conclusion

 

Nous avons pu voir que Rimbaud développe une parodie du topos de Vénus sortie des eaux. En se moquant des critères de beauté traditionnels et du lyrisme poétique, le jeune poète se range du côté des parnassiens tout en laissant déjà entrevoir la révolution du langage qu’il prépare.

 

Ainsi, en faisant le portrait vénusien d’une femme laide et malade, Rimbaud se moque de la tradition artistique et rejette le lyrisme convenu : le jeune poète commence, à 16 ans, sa révolution poétique avec ce poème amusant et irrévérencieux. On peut presque y lire un art poétique en cela qu’il propose une nouvelle vision du beau et de la création.

 

En outre Rimbaud livre ici une forme d’alchimie poétique. Comme Baudelaire, dans son recueil Les Fleurs du Mal avec des poèmes tels que « Une Charogne », il se propose de dépasser pour la sublimer la laideur, et de transformer la boue en or. Nous pouvons également rapprocher ce poème d’« Ophélie », qui partage avec lui la double thématique de l’eau et de la femme, dans une approche renouvelée des grâces féminines.

 

 

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Texte 6/16 (1A) - Objet d’étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle

 

 

 

Introduction

 

Arthur Rimbaud a manifesté très tôt sa révolte contre l'ordre social. Âgé de 16 ans, il échappe à l’emprise de sa mère et fuit Charleville (ville des Ardennes), poussé par un besoin de liberté qui ne se démentira jamais et par le désir de créer. Ce poème, « Ma Bohème (Fantaisie) », se présente sous la forme d'un sonnet qui fait l’éloge d’une forme d’errance inspiratrice : rappelons d’emblée qu’un « bohême » (ou « bohème ») est à l’époque de Rimbaud un membre de tribus errantes venues de l'Orient et qu'on donnait pour originaires de la Bohême (région d'Europe centrale qui constitue la partie occidentale de la République tchèque). Au féminin, ce nom signifie à la fois à l’époque de Rimbaud « vagabondage » et « groupe d’artistes menant une vie hors des cadres sociaux ».

 

En effet, ce poème a très probablement été composé à la fin de la fugue du poète, en octobre 1870. Une première échappée en direction de Paris, le 29 août 1870, avait fini pour le jeune Rimbaud à la prison Mazas. Il n’avait pas pu payer la totalité du billet du train. L’adolescent demande alors de l’aide à Georges Izambard, son professeur de rhétorique au collège de Charleville, devenu un confident et un ami qui joua un rôle important dans la naissance de sa vocation poétique. Ce dernier envoie de l’argent et se porte garant. Libéré et escorté au train, Rimbaud prend la direction de Douai où Georges Izambard est en congés d’été dans la maison familiale de ses tantes Gindre. « Ma Bohème » fait partie de l’ensemble des Cahiers de Douai (il clôt le second cahier) ; symboliquement très chargé, il permet au poète d’exprimer autant ses idéaux de vie que ceux de poète.

 

Sensibles à l’unité d’un poème dont les quatre strophes associent une notation concrète à un sentiment exalté, nous pourrons résoudre la problématique suivante : comment ce poème transforme-t-il le récit de pénibles fugues (strophes 1 et 2) en une expérience joyeuse et créatrice (strophes 3 et 4) ?

 

 

 

Fantaisie (titre)

 

Polysémie du nom. « Désir, goût passager, singulier, qui ne correspond pas à un besoin véritable » / « Caprice, désir, envie » / « Imagination créatrice, faculté de créer librement, sans contrainte ». Le lecteur peut interpréter le poème en prenant en compte cette 3e définition.

 

 

 

Ma Bohème Je/ m' / j'

 

Utilisation du pronom personnel et des déterminants possessifs de 1re personne, souvent en première position.
➔ L'auteur réalise son portrait
en mouvement, célèbre son individualité et la découverte de sa liberté.

 

L'expression de la liberté associée à la césure irrégulière du vers 1 (4 + 8 syllabes).

 

 

 

Mes poches crevées / Mon paletot devenait idéal / unique culotte / large trou / mes souliers blessés
➔ Termes affinant la description indiquant le délabrement des vêtements du jeune homme mais aussi son insouciance
(légèreté qu’on peut associer à l’assonance en [e]). À rapprocher du titre « Ma Bohème ».

 

une garde-robe peu fournie ("unique culotte") et en piteux état ("crevées" ; "large trou" ; "souliers blessés", donc usure ; "paletot " devenu "idéal" ; par conséquent il n'est plus qu'une idée de manteau.
➔ Usage de termes familiers ;
cette liberté est aussi d'ordre lexical.

 

Hiatus ou liaison difficile, entre « paletot » et « aussi » : mise en valeur de l’originalité, de la laideur ; remise en cause de la notion d’harmonie sonore.

 

 

 

Je m'en allais/ j'allais / j'égrenais

 

Verbes marquant le déplacement.

 

Valeur durative de l’imparfait, très fréquent ; une fugue présentée comme importante, fondatrice.

 

Chiasme des vers 3-4 et 6 qui met ce rêve au cœur de la scène en l’associant à son carburant qu’est le déplacement : "j'allais [] rêvées // rêveur [] course".

 


Muse ! J'étais ton féal...

 

Utilisation du discours direct pour interpeler la muse de la poésie lyrique, Érato ; cette apostrophe, quoique assez triviale ici, marque cette fois une forme de respect des conventions littéraires (on pense à l’adresse à la Muse du début de l’Iliade ou de l’Odyssée) : peut-être y pouvons-nous voir une intention parodique.

 

Recours à l'imparfait, verbe de la description et marquant l'habitude.

 

Une fuite totale :

 

- dans l' espace : "Je m'en allais", "j'allais" ; pour aller où ? venant d'où ? On ne sait pas : absence totale de précision.

 

- dans le temps : l'allusion à la "Muse" nous entraîne dans l'Antiquité ; le terme "féal" nous emmène au Moyen Âge (« fidèle à la foi jurée » ; « Partisan, ami dévoué et fidèle »).

 

Ce voyage ne correspond pas qu’à une fugue révoltée : il s’agit aussi d’un voyage initiatique qui révèle au jeune homme sa vocation de poète.

 


Oh ! là là ! Que d’amours splendides j’ai rêvées !

 

Niveau de langage familier, encore peu courant dans la poésie du XIXe siècle.

 

Le type de phrase exclamatif souligne l’influence de la marche sur le processus créateur : l’imagination de Rimbaud s’est développée et a compensé le dénuement matériel (rime entre « crevées » et « rêvées »).

 

 

 

Sous le ciel / à la grande ourse / auberge / bord des routes / au milieu des ombres / dans ma course

 

Nombreux compléments circonstanciels de lieu. L'imprécision des indications de lieu souligne le cheminement, l'errance et met l'accent sur les verbes de mouvement.

 

 

 

Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course / Des rimes

 

Métaphore filée qui associe les vers aux « cailloux guides » du personnage de Perrault. L’originalité de l’analogie (rapprochement à 4 éléments : Petit Poucet – cailloux / Rimbaud – rimes) est soulignée par le rejet du groupe « Des rimes ».

 


Rimes / rimant

 

Mise en relief par un rejet de « rimes ». La poésie est la principale activité du jeune vagabond.

 

les poings

 

Cette position caractéristique des mains met en lumière la révolte qui pousse le jeune poète à la fugue. Un personnage révolté qui refuse le conformisme bourgeois.

 

 

 

-Mes étoiles [...] avait un doux frou-frou.

 

Ces bons soirs de septembre [...]

 

[...] je sentais des gouttes de rosée [...]

 

Utilisation du tiret, liberté par rapport à la prosodie classique. Sert à indiquer une forme de rupture, peut-être celle qui marque le passage de la rigueur de l’errance à la douceur de la liberté.
➔ Marques d'un
e délicieuse communion avec la nature, féminine et protectrice. Cette vie est celle qu’il a choisie ; c'est "sa" bohème : l’absence de limites de son voyage lui permet des rêves "splendides" (rayonnants, radieux, d’une beauté éclatante). Les souvenirs récents de ses "bons" soirs de septembre sont agréables (assonance en [U] dans "doux frou-frou"). Le « je » poétique (qu’on ne peut associer qu’à Rimbaud revenu de son expérience à Douai) ne sent apparemment ni la pauvreté ni la fatigue.

 

 

 

Et je les écoutais / rimant au milieu des ombres fantastiques / où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur

 

Il est en communication avec le ciel et la terre (on a plus haut assisté à une confusion entre le monde terrestre et le monde céleste ("sous le ciel", v. 3 ; "Grande Ourse", v. 7)

 

➔ Vision enthousiaste d’un jeune poète dont l’imagination se nourrit des impressions sensorielles produites par la nature : sens de l’ouïe, de la vue, du toucher et du goût. Cette idée est exprimée par la comparaison (v. 11) de la rosée au « vin de vigueur », en référence avec les « vins » fortifiants de l’époque (le plus souvent des boissons ferrugineuses), soulignée par l’allitération.

 


rosée / vin de vigueur élastiques / lyre Petit-Poucet, féal

 

Nouvelle comparaison : ce rapprochement entre la lyre et les élastiques métamorphose l’objet ordinaire en instrument poétique.

 

Les termes « féal » et « lyre », qui se réfèrent à l’univers du roman courtois, cohabitent avec un vocabulaire plus trivial (« élastiques » ; « souliers »).

 

Caractère inhabituel de la rime riche entre « fantastiques » et « élastiques » est à souligner ; il rapproche la création de l’expérience inédite des rigueurs du voyage. Allitération en [m] du v. 12.

 

 

 

un pied près de mon cœur !

 

Le dernier vers d’un sonnet constitue toujours une chute nommée concetto, mais pas ici. Rimbaud convoque de nouveau ce désir de modernité puisque le dernier vers aborde, à l’image de tout le poème, le thème de l’errance permettant de célébrer une création poétique née de l’amour du vagabondage et des rencontres au sein de la nature. 

 

Originalité et fantaisie du rapprochement (le pied ; image du voyage).

 

Impression de légèreté (exclamation ; 6 monosyllabes, qui sont autant de « pieds » légers, si on tient compte de la signification de « pied » en métrique).

 

 

 

Conclusion

 

La poésie est devenue pour l’adolescent en marge de la société ce qui lui sert de point de repère (cf. v. 6  :  « Petit- Poucet rêveur, j'égrenais / Des rimes »), si bien qu’on comprend que Rimbaud renonce à une partie de ses origines (domicile familial, Charleville) pour fonder sa carrière d’homme libre, de poète qui marche en harmonie avec la nature.

 

Cette fuite du conformisme, cette recherche de l'insolite, d’un regard neuf sur le monde, mises en avant dans ce poème original, annoncent les futures créations de Rimbaud.

 

Éloge de la liberté, du vagabondage mais aussi de la poésie moderne, voilà comment nous pouvons interpréter « Ma Bohème ». Rimbaud célèbre, en effet, un bonheur, celui du bohémien, mais la nature lui octroie aussi une liberté, physique, intellectuelle qui se mue en liberté poétique. En vagabondant, il s’amuse des règles de la poésie traditionnelle, un brin provocateur et, ouvre, de la sorte, la voie à la modernité poétique, qu’on décèle chez Apollinaire ou Jacques Prévert au siècle suivant.

 

 

 

 

 

 

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Texte 7/16 (1A) - Objet d’étude : la poésie du XIXe au XXIe siècle

 

 

 

1. Éléments pour une introduction

 

-Sujet traité : sa ville, qu’il déteste et dont il fugue en août 1870, alors qu’il n’a même pas 16 ans. Ce texte aurait été composé entre juin et juillet de la même année (une version différente existe : il s’agit de l’édition du 1er manuscrit confié à Izambard).

 

-Structure : quatrains d’alexandrins.

 

1 à 5 décrivent les comportements bourgeois ;

 

6 introduit l’idée de marginalité sociale

 

7 à 9 mettent en scène le « je », qui interagit avec un groupe de jeunes filles.

 

 

 

-2 mouvements envisageables :

 

1. Disqualification intellectuelle et morale de la bourgeoisie de province (vers 1-20) ;

 

2. Exaltation de la marginalité et du bonheur d’une jeunesse libre (vers 21-36).

 

 

 

-Lecture : la rupture de la strophe 7 doit être marquée à l’oral : insister sur le sentiment de fierté, de différence exprimé par le poète.

 

-Rimbaud se moque en effet avec une joyeuse férocité des bourgeois de sa ville qui se rassemblent chaque jeudi soir sur la place de la Gare pour écouter l’orchestre militaire. D’où l’emploi d’un bout à l’autre du poème du présent d’habitude, qui dynamise les scènes décrites.

 

-Les personnages qu’il présente sont des caricatures : « dessins » se limitant à une silhouette dont les proportions ne sont pas respectées, ou description comique d’une personne réduite à un trait physique (exagéré) ou de caractère.

 

-Ce poème ne se contente pas de rejeter une catégorie d’individus :

 

 

 

Comment « À la musique » associe-t-il la disqualification intellectuelle et morale de la bourgeoisie à la célébration d’une contre-société et de la liberté individuelle ?

 

 

 

 

 

2. Lexique

 

 

 

-Charleville (indication liminaire placée sous le titre) : ville de naissance d’Arthur Rimbaud, qui y a grandi (Ardennes). Ici la ville est désignée par le kiosque, d’où le titre principal « À la musique ». Ville aujourd’hui appelée Charleville-Mézières (ce dernier étant le nom de la commune voisine).

 

-schakos (6) : chapeaux militaires à visière, remplacés par les képis au début du XXe s.

 

-fifres (6) : petites flûtes traversières, en usage dans les armées ; par extension, celui qui joue de cet instrument. Le titre exact de ce morceau est « Polka des fifres » (du compositeur Pascal) ; il fut joué le jeudi 2 juin 1870.

 

-gandin (7) : jeune homme d’une élégance affectée et ridicule.

 

-breloques à chiffres (8) : petits bijoux , attachés aux chaînes de montres, gravés des initiales de leur possesseur.

 

-couacs (9) : fausses notes.

 

-bureaux (10) : métonymie pour désigner les employés de bureau.

 

-cornacs (11) : éleveurs et meneurs d’éléphants. Allusion aux dames de compagnie.

 

-réclames (12) : publicités.

 

-traités (15) : sans doute ceux de 1866 préparant l’unification de l’Allemagne.

 

-prisent en argent (16) : aspirent du tabac dans des tabatières en argent.

 

-onnaing (19) : pipe fabriquée dans la ville d’Onnaing, ville proche de la frontière belge.

 

-fumant des roses (23) : fumant des cigarettes dont le paquet est entouré d’un papier rose (indiquait une moyenne gamme de prix).

 

-pioupious (23) : simples soldats.

 

-atours (31) : vêtements et accessoires féminins.

 

 

 

3. L’ironie, procédé de la critique de la bourgeoisie carolopolitaine (mouvement 1)

 

 

 

- Tonalité réaliste des premiers vers : le « je » ancre la scène dans un cadre spatial bien défini.

 

- Les « mesquines pelouses » (hypallage, au vers 1) et le « square où tout est correct » (PSR dépréciative, qui met en valeur l’absence d’imagination et de fantaisie, au vers 2) suggèrent le caractère ridiculement soigné et apprêté de la place : la nature, canalisée et domptée, annonce la mascarade et l’hypocrisie bourgeoises dénoncées dans tout le poème.

 

- Aux vers 3-4, 4 marques de pluriel nous permettent d’apprécier la critique de l’uniformisation et de la routine bourgeoises (« tous les bourgeois poussifs » + « les chaleurs » + « les jeudis soirs » + « leurs bêtises jalouses »).

 

- Les personnages sont dépeints avec une ironie mordante : l’énonciateur les dit « poussifs » et « étrangl[és] » par « les chaleurs » (3) et dénonce d’emblée « leurs bêtises » (4).

 

- Malgré une définition précise du cadre spatio-temporel et contrairement à ce que pourrait impliquer le titre du poème, Rimbaud ne donne pas d’importance aux couleurs de la nature, qui ne seront plus mentionnées à partir de la strophe 2, hormis les « gazons verts » du v. 21 et les « marronniers verts du v. 26), ni au sens de l’ouïe (excepté les « couacs » du v. 9).

 

- Du 2e au 5e quatrain, Rimbaud brosse une galerie de portraits bourgeois, plus ridicules les uns que les autres : on remarque l’amusante inversion de fonctions contenue au vers 8 dans la proposition « Le notaire pend à ses breloques à chiffres ». L’inversion sujet-verbe et la position finale de « parade le gandin » (7) et la périphrase « rentiers à lorgnons » (9) soulignent l’attitude de certains pédants qui se prétendent mélomanes sous prétexte de relever toutes les fausses notes de l’orchestre, mais qui en réalité ne sont là que pour se montrer. Comme Balzac dans l’incipit de La Cousine Bette, Rimbaud raille l’embonpoint excessif des couples (10 : « Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames »). L’insistance est produite par l’allitération, la répétition de l’adjectif qualificatif et la comparaison implicite aux éléphants (voir « officieux cornacs », apposition placée à la rime, au vers 11). Le caractère grossier, voire superficiel des dames de compagnie est mis en valeur par la comparaison de leurs vêtements aux couleurs trop criardes aux « réclames » (12). Les vers 17-18 rappellent la surcharge pondérale de la « Vénus anadyomène » : les assonances nasales et l’allitération en [b/p] y soulignent l’obésité satisfaite et inerte d’un bourgeois qui fume sa pipe. Les plaisirs dispendieux des hommes s’occupant à discuter d’autrui font également l’objet d’une acerbe critique : pensons à la tabatière en « argent » (16) des « épiciers retraités » (13) qui, comme l’« onnaing » de « contrebande » (19-20), contente le snobisme bourgeois, dont la vanité s’exprime au discours direct (« vous savez ») et par le biais du rejet du verbe « déborde », adapté à l’idée de plaisir superflu. Cette exhibition de la possession matérielle est ironiquement contrecarrée par la posture morale adoptée par les bourgeois moqués : Rimbaud raille la société des « clubs » (13 ; terme généralisé dès 1848 désignant un groupe de réflexion politique, assimilé dans l’esprit du jeune poète à un aréopage de commentateurs) et sous-entend l’insincérité des débatteurs (2 adverbes du vers 15 : « fort sérieusement », groupe adverbial distingué par la diérèse).

 

- Rimbaud s’inscrit dans la tradition de la satire de la bourgeoisie : comme Balzac dans l’incipit de La Cousine Bette ou Zola dans Le Ventre de Paris, l’auteur joue de cette opposition sociale consistant à placer du côté de la jeunesse et la vigueur les classes ouvrières et les étudiants, tandis que sont dénigrés les excès en tous genres d’une classe bourgeoise enrichie par la Monarchie de Juillet et le second Empire.

 

 

 

4. Éloge d’une autre société (mouvement 2)

 

-Cest d’abord celle des « voyous » qui « ricanent » au spectacle des bourgeois qu’ils songent peut-être à voler (21). Le nom est mis à la rime, ainsi rapproché de « pioupious » (23). Le « je » place ainsi les classes inférieures sous la lumière (groupe participial « fumant des roses », métonymie qui emprunte au parler populaire et suggère des moyens financiers modestes).

 

- Rimbaud pour autant n’est guère tendre : sans dissimulation ni hypocrisie, les « pioupious » ne songent qu’à séduire les domestiques (23).

 

- Le « je », qui n’a d’yeux que pour les jeunes bourgeoises (25). 11 occurrences de ce pronom dans les 12 derniers vers. Le « je » se décrit et explique sa place dans la farce sociale qui se joue sous ses yeux.

 

- La rupture lyrique est aussi marquée par le tiret initial et la comparaison « débraillé comme un étudiant » : le poète se situe dans un non-lieu social (ni enfant, ni adulte, ni étudiant, ni bourgeois, ni soldat, ni employé).

 

- L’adjectif « débraillé » introduit la question des relations sensuelles entre les êtres. Les appétits sexuels succèdent dans ce 2nd mouvement aux désirs matériels des bourgeois : les soldats cherchent à séduire les « bonnes » en feignant la sensibilité (« caressent les bébés », 24).

 

- Le « je » suit du regard les « fillettes » de la bourgeoisie, puis les déshabille longuement en pensée (26, puis 29-34). Par opposition à cette société bourgeoise figée et étriquée, le poète se sent libre et heureux, pris un élan amoureux (position de sujet pour le GN « les baisers qui me viennent aux lèvres », 36). Les expressions allusives « alertes fillettes » (26), « le savent bien » (27), « en riant » (27) et « de choses indiscrètes » (28) rompent avec la peinture conventionnelle de la sage fille bourgeoise.

 

- Dans la strophe 8 abondent les références au corps, tandis que l’excitation charnelle du « je » s’exprime par l’anaphore (29, 32), la longueur suggestive du vers 30 et les allitérations des vers 30 et 32. L’atmosphère sensuelle contraste avec les préoccupations matérialistes des bourgeois.

 

- Le quatrain 9 fait accéder le lecteur au déshabillage symbolique : l’article défini, l’allitération en [b], les points de suspension et l’emploi du passé composé (« ai déniché ») créent un univers érotique, riche en mystères, précieux aux yeux du « je ». La fin du poème verse ainsi dans un lyrisme amoureux sciemment excessif, où l’on repère une hyperbole à la rime (« brûlé de belles fièvres », 34), où l’on retrouve les tirets et points de suspension (pauses qui suggèrent le trouble du « je » et introduisent des ellipses temporelles associées au choc émotionnel : les jeunes filles ne sont pas indifférentes au « je »).

 

- L’énonciateur perd son statut dominant dans cette dernière strophe : en position d’objet (« brûlé de belles fièvres » ; « me trouvent drôle » ; « me viennent aux lèvres » : vers 33-34). Le temps d’un poème, il est passé d’étranger à la comédie sociale à objet d’attentions particulières. Cette transformation soudaine peut se lire comme un discours d’auto-dérision visant à se moquer de son aveuglement lié l’excès de lyrisme amoureux.

 

-Noter la présence inquiétante de la guerre, en arrière-plan : le mois suivant, plus précisément le 19 juillet 1870, la France entrera en guerre contre la Prusse, alliée à plusieurs états allemands. On comprend que Rimbaud a choisi de souligner l’impréparation de l’armée française et l’insouciance hébétée des bourgeois. Ainsi les soldats sont « amoureux » et « naïfs » (22, 23) au son d’un orchestre militaire réduit à un geste ridicule (« balance ses schakos », 6).

 

 

 

5. Éléments pour une conclusion

 

-Ainsi, à travers une succession de portraits-types caricaturaux, le poète raille la bourgeoisie de province, qu’il exècre et qui se pavane tous les jeudis soir sur la place de la gare, tandis qu’il s’adonne aux joies de la séduction. Mais nous pouvons considérer qu’il porte un regard tout aussi distancié sur la parade amoureuse.

 

-Dans une lettre à Izambard d’août 1870, Rimbaud emploie les mêmes champs lexicaux, parfois les mêmes expressions, pour condamner l’étroitesse d’esprit et le patriotisme craintif des bourgeois ventrus de sa ville : sa démarche est à l’époque engagée en faveur des idées pacifistes.

 

-Une série de portraits qui fait penser aux dessins de l’époque, notamment « Les bons Bourgeois » d’Honoré Daumier (1846).

 

-Dans « Le Mal » et « Le Châtiment de Tartufe », Rimbaud ironise cette fois au sujet de l’hypocrisie de l’Église et des faux dévots qui se jouent de la vertu et de la générosité des fidèles.

 

 

 

Questions de grammaire

 

 

 

1° Comptez les propositions de la première phrase et indiquez leur nature.

 

_________________________________________________________________________________

 

 

 

_________________________________________________________________________________

 

2° Analysez les propositions des vers 10-12.

 

 

 

_________________________________________________________________________________

 

 

 

_________________________________________________________________________________

 

3° Analysez les propositions des vers 9-11 du poème « Vénus anadyomène ».

 

 

 

4° Extrait 4/16 (Micromégas) : analysez les propositions de la 2e phrase (l. 2-7).

 

 

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Texte 9/16 (1A) - Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

 

 

 

 

 

Introduction

 

 

 

Publié en 1731, Manon Lescaut est un roman de l’abbé Prévost, qui raconte les amours contrariées et tumultueuses d’un jeune homme de bonne famille, Des Grieux, et d’une jeune fille d’origine modeste, Manon Lescaut. Réduits à employer des moyens malhonnêtes et immoraux pour vivre, ils tentent de duper un riche et vieux libertin qui avait des vues sur Manon, M. de G*** M***, mais ils sont tous deux arrêtés et incarcérés, Des Grieux à Saint-Lazare, et Manon à l’Hôpital Général. Des Grieux s’évade en tuant un religieux, puis se lie avec M. de T*** pour faire évader Manon. Dans cet extrait, il exécute son plan d’évasion, non sans maladresses.

 

Nous pourrons alors nous demander en quoi ce projet d’évasion particulièrement romanesque prend une tournure comique.

 

Lecture

 

Mouvement 1 → la préparation de l’évasion, le travestissement de Manon (1-11)

 

Mouvement 2 → l’exécution du plan d’évasion (11-17)

 

Mouvement 3 → une péripétie à visée morale : un cocher cupide (18-26)

 

Nous pouvons constater que le texte suit trois mouvements. Le premier se concentre sur le travestissement de Manon, depuis le début de l’extrait à « longueur insupportable » (l. 11). Le second mouvement consiste en l’exécution du plan d’évasion, depuis « enfin » (l. 11) à « séparé de Manon » (l. 17). Enfin, le dernier mouvement porte sur les réticences du cocher, de « ce transport » (l. 18) à la fin de l’extrait.

 


 

I – Le travestissement de Manon (« Nous retournâmes […] longueur insupportable », l. 1-11)

 

- Énumération de vêtements masculins : « du linge » (l. 1) ; « des bas » (l. 1) ; « juste-au-corps » (l. 1 ; l. 4), « vestes » (l. 4) ; « culotte » (l. 5 ; l. 9), « surtout » (l. 2 ; 4 ; 10)

 

L’épisode apparaît comme vraisemblable. Le texte s’ancre dans la réalité de son temps, et renvoie le lecteur à des éléments qui font partie de son quotidien.

 


 

- Manon destinataire des vêtements :

 

Préposition « pour » : « pour Manon » (l. 1)

 

COI : «  Je lui donnai » (l. 4)

 

Insistance sur le travestissement de Manon : renvoie à un motif théâtral, propre à la comédie.

 


 

- Insistance sur l’oubli de la « culotte » : « excepté la culotte » (l. 5) ; « sans culotte » (l. 9).

 

Effet burlesque : sans cette pièce, une partie de l’anatomie masculine est exposée.

 

Burlesque < décalage entre la situation noble et le ridicule du personnage de Des Grieux, dont la dignité dépend de quelques « épingles » (l. 10).

 


 

- Verbe « rire » : « L’oubli de cette pièce nécessaire nous eût sans doute apprêtés à rire » (l. 7)

 

Rappelle l’imaginaire de la comédie.

 

Subjonctif plus-que-parfait « nous eût apprêtés à rire » : les personnages ne peuvent pas rire dans le contexte où ils sont. Cela dit, le rire est possible si l’on saisit l’image des amants sans culotte, indépendamment du contexte.

 

Présence de comique au sein d’une situation romanesque et noble.

 


 

- Antithèse : « rire » (l. 7) / « embarras » et « sérieux » (l. 7)

 

Mélange des tons.

 


 

II – L’exécution du plan d’évasion (« Enfin […] séparé de Manon », l. 11-17)

 

- Connecteur logique + PS participiale complément circonstanciel de temps : « Enfin, la nuit étant venue » (l. 11-12)

 

Rupture narrative et temporelle.

 

Connecteur « enfin » : souligne l’impatience de Des Grieux, et recentre l’attention du lecteur sur l’action.

 


 

- Enchaînement rapide de propositions indépendantes : « ils montèrent tous deux à l’instant. Je reçus ma chère maîtresse dans mes bras : elle tremblait comme une feuille » (l. 14-15)

 

Phrases / propositions brèves : impression d’un enchaînement rapide des actions.

 

Locution « à l’instant » : soudaineté.

 


 

- Verbe « toucher » répété (l. 16) : la demande d’information précise dans la PSII « où il fallait toucher » trouve une réponse immédiate dans la phrase injonctive qui suit. Effet de précipitation.

 


 

- Discours direct : « Touche au bout du monde, lui dis-je, et mène-moi quelque part où je ne puisse jamais être séparé de Manon » (l. 16-17). Variété, entre les descriptions, les successions d’actions, le discours indirect et les dialogues.

 

Lyrisme (cf. fin de « À la musique ») : comique car dissonant avec la demande triviale et pragmatique du cocher.

 

Cocher : demande précise d’information.

 

Réponse de Des Grieux : déclaration d’amour + ordre solennel.

 

Mention de Manon : dans son élan amoureux, Des Grieux ruine ses efforts pour cacher l’identité de Manon. Souvent sa candeur se couvre de bêtise.

 


 

III – Les réticences d’un cocher cupide (« Ce transport […] l’Hôpital même », l. 18-26)

 

- Article indéfini « un » : « un fâcheux embarras » (l. 18)

 

Nouvel épisode ; seconde occurrence du nom « embarras », qui désigne un véritable empêchement, un obstacle.

 

Rupture exprimée par l’article, le passé simple et le GN anaphorique « ce transport », qui ne désigne pas le voyage, mais l’emportement lyrique de Des Grieux, un trouble de l’âme causé par la violence des passions.

 


 

- Discours indirect du cocher (l. 20-23) :

 

Attribut du sujet qui surprend le lecteur par son caractère brut, direct : « ce beau jeune homme qui s’appelait Manon était une fille ».

 

Comique : ironie de la situation, le cocher pointant l’erreur commise par Des Grieux.

 

Evocation des scrupules moraux : verbes « craignait », « se perdre », GN « mauvaise affaire »,

 

Donne singulièrement une image d’homme honnête au cocher. Noter le rythme ternaire du discours indirect.

 

Comique : ne sert en réalité qu’à extorquer plus d’argent au personnage.

 


 

- Terme « coquin » (l. 23) :

 

Définition (Furetière) : « Terme injurieux qu'on dit à toutes sortes de petites gens qui menent une vie libertine, friponne, faineante, qui n'ont aucun sentiment d'honnesteté. »

 

Effet de réel : renvoie à la brutalité des rapports de classe au XVIIIe s.

 

Des Grieux parle avec condescendance, en homme habitué à être servi et à commander.

 


 

- Expression « filer doux » (l. 24) :

 

Définition : obéir humblement sans opposer de résistance.

 

Concerne le valet dans la comédie : ici, l’expression s’applique pourtant à Des Grieux.

 

Renversement du rapport de force maître-valet.

 


 

- Chute comique : « Il m’aurait aidé, après cela, à brûler l’Hôpital même » (l. 26)

 

Brièveté de la dernière phrase : contraste avec la longueur de la phrase évoquant les scrupules moraux du cocher.

 

Invalide totalement le discours indirect concernant le cocher : elle renverse le point de vue que l’on peut avoir sur le cocher. D’homme moral, il apparaît comme un escroc.

 

Hyperbole : « brûler l’Hôpital même »

 

Contribue à cet effet de chute comique : détruit l’image d’honnêteté du cocher.

 


 

Conclusion

 

Nous avons constaté, à travers le travestissement de Manon, la mise en marche du plan d’évasion, et par les réticences du cocher, que nous avions affaire à un épisode particulièrement romanesque, impliquant un travestissement, des imprévus et des frayeurs, mais aussi un héros qui, quoique courageux et prêt à tout par amour, s’avère pour le moins maladroit et ridicule. Réalisme et comique, voire burlesque, viennent ici discréditer le romanesque de l’épisode.

 

Loin d’être parfait et idéalisé, Des Grieux annonce déjà le héros réaliste du XIXe siècle par ses failles, et l’on pourrait lui appliquer ici ce que Stendhal dit de Fabrice del Dongo, à la bataille de Waterloo, dans La Chartreuse de Parme (1839) : « Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment ».

 

 

 

 

 

 

Texte 10/16 (1A) - Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

 

 

 

Introduction

 

Offrir aux lecteurs « un exemple terrible de la force des passions » : telle est l’ambition d’Antoine-François Prévost dans ce roman majeur du XVIIIe siècle. Le romancier, qui fut également un journaliste engagé contre l’intolérance religieuse, propose ici une œuvre unique, qui marque le retour de la sensibilité et des passions dangereuses dans un XVIIIe siècle rationaliste.

 

Publiée une première fois en 1731, corrigée et augmentée en 1753, lHistoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (intitulé simplement Manon Lescaut dès 1742) est un roman-mémoires à visée morale dans lequel le narrateur, qui n’est autre que le Chevalier des Grieux, retrace son amour passionnel pour Manon Lescaut, femme de mauvaise vie qui entraînera le jeune homme sur la pente des délits et du crime.

 

Notre extrait se réfère à un moment stratégique du roman, dans la mesure où il marque une rupture a priori définitive entre Des Grieux et sa famille (seule attache à la société et à la norme qu’il détenait) : lorsque Des Grieux apprend par le concierge du Châtelet que Manon doit partir pour l’Amérique et qu’il a été libéré après un accord passé entre le vieux M. de G... M... et son père, il demande à ce dernier une entrevue afin de le convaincre de sauver Manon. C’est dans le jardin du Luxembourg qu’il retrouve son père, mais aucun argument ne parvient à le convaincre. Le passage que nous nous proposons d’étudier constitue la fin de l’échange.

 

Dès lors, nous serons conduits à nous poser la question suivante : en quoi cette rupture familiale renforce-t-elle la marginalité de Des Grieux ?

 

Afin de mener à bien notre analyse, nous étudierons de manière linéaire les 3 mouvements successifs de notre passage :

 

1) Lignes 1 à 6 (« Je me jetai à ses genoux [...] que la tendresse et la douleur ? ») : le discours pathétique de DG.

 

2) Lignes 7 à 12 (« Ne me parle pas davantage [...] son cœur était inflexible ») : l’agacement du père.

 

3) Lignes 12 à 20 (« Je m’éloignai de quelques pas [...] adieu père barbare et dénaturé ») : une séparation irrévocable.

 


 

Explication linéaire

 

 

Citations + procédés littéraires

Interprétation

1er mouvement : lignes 1 à 6 (« Je me jetai à ses genoux [...] que la tendresse et la douleur ? ») : le discours pathétique de DG.

1-2

« je me jetai » : phrase simple, brève + action ponctuelle au passé simple

dynamisme de la scène représentée

« à ses genoux » : GNP qui transforme DG en personnage de tragédie qui supplie

effet de pathos, dimension visuelle et théâtrale de la scène

« Ah ! » : interjection qui exprime une vive émotion

exprime la douleur, un désespoir que la raison de DG ne parvient pas à surmonter

« endurcissez », « pleurs », « aimiez », « souffert » : champ lexical des sentiments (antithèse).

DG essaie de persuader son père de prendre son parti ; il met en valeur l’opposition de ses sentiments aux idées du père.

« en les embrassant » : gérondif qui transforme DG en personnage de tragédie

 

Caractère imagé de la scène, laissant planer un doute sur la réponse du père : va-t-il céder aux instances de son fils ?

« Hélas ! »: interjection

exprime le désespoir et la déception de DG

3-4

« jusqu’à la mort » : GNP hyperbole

 

DG se sert du passé de son père et le flatte : il aurait tout accompli pour sa défunte épouse.

« souvenez-vous » : impératif présent

inversion des rôles : le fils appelle le père, l’invite à raisonner

COI « de ma mère » : distorsion de focalisation

changement de point de vue : le fils oblige son père à adopter le point de vue du fils malheureux

Phrase exclamative + adverbe intensif « si », qui modifie « tendrement »

DG fait appel aux sentiments de jeunesse du père

5 occurrences du marqueur personnel de 2pl : 4 fois « vous » + 1 fois « vos »

Insistance de DG qui se concentre à des fins argumentatives et persuasives sur le point de vue de son père

5-6

3 questions rhétoriques consécutives (3-6).

 

DG se sert du passé de son père afin de le persuader du bien-fondé de sa requête, en pointant même l’égoïsme du père (questions 2 et 3)

antithèse « tendresse » et « douleur » ≠ « barbare »

l’adjectif « barbare » souligne l’apparente cruauté de son père : l’aveuglement de DG est à son acmé

généralisation : emploi du pronom indéfini + présent de VG dans « peut-on être barbare ? »

le fils se range du côté de la sagesse et de l’empathie, et renvoie son père dans le camp des individualistes et des cruels

L’auxiliaire « pouvoir », associé au GIP « après avoir éprouvé »

 

Ce verbe permet à l’énonciateur d’interroger une possibilité objective (modalité épistémique) : DG se donne l’autorité intellectuelle dans la discussion

2e mouvement : lignes 7 à 12 (« Ne me parle pas davantage [...] son cœur était inflexible ») : l’agacement du père.

7-8

GNP / CC manière « d’une voix irritée »

Souligne le fort agacement d’un père heurté par les outrances précédentes.

« tes désordres la feraient mourir de douleur » (conditionnel présent + hyperbole)

Le temps verbal rend plus présentes les mauvaises actions du fils + le père réagit vivement à l’inversion des rôles opérée par DG

répétition du nom « douleur »

 

À des fins rhétoriques : ce n’est plus celle de l’amant éperdu, mais celle de la mère humiliée

impératifs (mode ou énoncés : au nombre de 3 ; l. 7-10)

Le père fait acte d’autorité et reprend l’avantage en coupant court à la tentative de son fils

« échauffe mon indignation » : asyndète

Pas de recours aux connecteurs logiques, pour renforcer l’opposition

9-10

 

 

 

« il m’importune » : asyndète

 

Pas de recours aux connecteurs logiques, pour signifier qu’un père n’a pas à se justifier devant son fils

« si elle eût assez vécu pour les voir » : corrélatifs et subj. +QP qui expriment une condition qui ne sera jamais réalisée

Expression du pathétique : le père exprime à son tour, mais avec pudeur, sa tristesse

Négation de la tournure transitive (« ne me fera + infinitif) + futur de certitude

Inflexibilité et autorité du père

« Je retourne au logis ; je t’ordonne de me suivre » : un alexandrin oralisé, parallélisme ; parataxe asyndétique

Brièveté d’une formule qui ne souffre aucune contradiction

11-12

« ton sec et dur » : sorte de didascalies

Ajoute à l’impression de sévérité

Adverbe d’intensité « trop »

Le fils rend compte vivement de l’impression que son père a produite

Passé simple « intima »

 

La réplique du père marque une étape importante : le débat est désormais clos

3e mouvement : lignes 12 à 20 (« Je m’éloignai de quelques pas [...] adieu père barbare et dénaturé ») : une séparation irrévocable.

12-15

« de ses propres mains » : CC manière

Progression : le fils craint dorénavant un châtiment corporel

Reprise du discours direct

Effet de surprise : le fils reprend la parole alors que le père a fermé la discussion

Mode impératif (expression de la défense)

Inversion des rôles qui témoigne de la folie dangereuse de DG

« en me forçant de vous désobéir » : impossibilité logique (opposition entre la modalité déontique et le COI « vous »)

Cette construction syntaxique met en valeur l’inclination de DG à se présenter comme le jouet d’une destinée malheureuse

Anaphore de « il »

 

Insistance sur l’impasse où se trouve DG

« est impossible », « ne l’est pas moins » : répétition de la modalité épistémique

 

DG ne choisira pas la voie de l’honneur filial et du code d’honneur aristocratique, comme Rodrigue dans Le Cid. Il cède à l’appel des passions, au risque de perdre son père.

« suive », qui rappelle « logis »

 

Symbolique du chemin à prendre : 2 possibilités, le retour au bercail, ou l’exil volontaire ?

« un éternel adieu » : mis en valeur par la dernière position dans l’énoncé

Le lecteur comprend que DG se rachète un honneur en réclamant la mort.

16-18

GN en fonction de sujet : « ma mort »

 

Exagération du registre pathétique

Futur de certitude « fera »

 

Volonté de DG : impressionner son père (veut-il encore le fléchir ?)

PSR explicative « que vous apprendrez bientôt »

 

Expression qui ajoute au mystère (mise en scène ostentatoire du fils malheureux et incompris)

Adverbes « tristement » et « peut-être »

 

Pathétique de la situation : DG cherche sans doute une dernière fois à émouvoir son père qui, dans un accès de compassion, pourrait gracier Manon

19-20

Apostrophe du père au fils

Le jugement moral aboutit à une condamnation sans nuance : le père renie son fils

Interrogation finale du père

 

Caractère brutal et direct (pas d’inversion SV) : les derniers mots de DG n’ont produit aucun effet !

Impératif présent « va »

 

Rappelle ironiquement le « va » confiant et fier de don Diègue à son fils (« Va, cours, vole, et nous venge ! »)

Répétition de l’adjectif « barbare ». L’apostrophe le relie au synonyme « dénaturé » + position finale + assonance en [a]. Parallélisme : « adieu » + nom commun + 2 adjectifs coordonnés

Groupe qui forme une hyperbole : celle-ci met en relief l’aporie rhétorique du jeune homme, qui n’a plus que sa haine à exprimer ; insulte, sous la forme d’un parallélisme de construction, le caractère naturel bon et honnête de l’aristocrate.

 


 

Conclusion

 

Des Grieux souhaitait convaincre son père en s’entretenant avec lui et espérait échapper à la désapprobation qu’il avait endurée lorsqu’il avait été contraint de rentrer au domicile familial. Si les deux protagonistes évoluent, force est de constater que les figures d’autorité, auxquelles appartient le père, constituent toujours des forces opposées à la liaison des amants.

 

La situation semble donc se répéter. Mais ici, Des Grieux, qui avait cédé en poursuivant ses études au séminaire de Saint-Sulpice, s’affirme. La rupture est ainsi consommée pour le personnage qui peut revendiquer son statut d’amant prêt au sacrifice, comme il montrera par la suite en s’embarquant pour l’Amérique. Ce passage éminemment tragique annonce donc la perte morale du jeune noble.

 

 

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Texte 11/16 (1A) - Objet d’étude : le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

 

 

 

Introduction

 

Dans « L’Avis de l’auteur », Manon Lescaut, roman publié par l’abbé Prévost en 1731, se présente comme « un exemple terrible de la force des passions » dont la conclusion révèle tout le tragique. Ce roman relate les multiples aventures du chevalier des Grieux et de sa compagne, Manon Lescaut. Après moult trahisons et réconciliations entre les deux amants, ces derniers sont déportés en Amérique, plus précisément dans une colonie française où l’on envoie les marginaux. Le passage à commenter marque la fin du temps heureux de la Nouvelle-Orléans, où les amants vivent en paix jusqu’à ce que le gouverneur du village ne décide injustement de donner la main de Manon à son neveu, Synnelet. Après un duel victorieux, Des Grieux mène alors Manon alors dans le désert où la jeune femme meurt d’épuisement.

 

 

 

Nous nous demanderons lors de cette explication comment la narration rend possible le prolongement d’une union passionnée.

 

 

 

Nous nous intéresserons dans le premier paragraphe à la mort sublimée de Manon, avant de constater, dans le second mouvement, la solitude de Des Grieux. Enfin, le dernier paragraphe invite à étudier le récit paradoxal d’une union dans la mort.

 

 

 

I – La mort éludée et sublimée de Manon (premier §)

 

 

 

- 2e personne du pluriel + verbe à l’impératif présent : « N’exigez point de moi » (l. 1), « je vous décrive » (l. 1) « je vous rapporte » (l. 1)

 

Appel à l’empathie des ses auditeurs (principalement Renoncour) et du lecteur, invité à partager les sentiments de Des Grieux.

 

 

 

- Négation : « n’exigez » (l. 1) ; « ni » (l. 1)

 

Le récit d’une histoire qui n’est pourtant plus récente devient impossible à mener pour le narrateur.

 

La souffrance de Des Grieux, lié à l’être le plus cher qui motive toutes ses actions, se traduit par de l’indicible.

 

 

 

- Ellipse temporelle au passé simple (évènement important, action bornée) : « je la perdis » (l. 2)

 

Récit impossible : Des Grieux ne peut se résoudre à raconter les derniers instants de Manon.

 

De nouveau, expression de l’indicible, qui traduit la souffrance du personnage.

 

 

 

- Euphémisme : « je la perdis » (l. 2)

 

Difficulté à parler de la mort : est-ce l’expression d’un déni ? Ou toujours la souffrance qui retarde l’arrivée de termes associés à la mort ?

 

 

 

- Subordonnée circonstancielle de temps : «  je reçus d’elle des marques d’amour au moment même qu’elle expirait » (l. 2-3)

 

Simultanéité : Manon donne son amour au moment où elle perd la vie. Insistance lyrique de l’adverbe « même ».

 

Réhabilitation du personnage qui apparaît comme une femme aimante. Permet aussi à Prévost d’ajouter à la morale du récit.

 

 

 

- Tonalité tragique : « perdis » (l. 2), « expirait » (l. 3), « fatal » (l. 3)

 

Terme « fatal » : renvoie au fatum (latin qui renvoie à ce qui « a été dit, dicté par les dieux) de la tragédie.

 

le fatum = le destin, qui emporte les personnages vers la mort.

 

Gradation : DG passe d’une mort euphémisée à l’expression de la fatalité.

 

Manon devient un personnage tragique, et donc sublimé, les personnages de tragédie étant caractérisés par leur caractère hors-normes, et nobles.

 

 

 

- Complément du présentatif : « c’est tout ce que j’ai la force de vous apprendre » (l. 3)

 

Sobriété : récit concis et épuré de la mort de Manon.

 

Tonalité pathétique : de nouveau, idée d’une incapacité, physique cette fois-ci (« force ») à faire le récit de la mort de Manon.

 

 

 

II – La solitude de Des Grieux (§ 2)

 

 

 

- Marques fréquentes de 1re personne du singulier : « mon » (l. 5), « me » (l. 5), « je » (l. 6 ; l. 7)

 

Des Grieux ne peut plus dire « nous », comme lorsqu’il était avec Manon.

 

 

 

- Lexique religieux : « âme » (l. 5), « Ciel » (l. 5), « puni » (l. 6)

 

Des Grieux interprète l’événement comme une punition divine.

 

Marginalisation de DG : rejeté par la société (il finit anonyme en Amérique) et Dieu lui-même.

 

 

 

- Opposition entre le Ciel et Des Grieux : « il a voulu que j’aie traîné, depuis, une vie languissante et misérable » (l. 6-7)

 

Valeur aspectuelle d’accompli (passé composé « a voulu » et subjonctif passé « aie traîné »). Mise en valeur d’une conséquence présente d’une action passée.

 

Connotation péjorative de « traîné ».

 

« Il » : sujet de la principale : fatalité ; c’est Dieu qui choisit d’imposer une vie de misère à Des Grieux.

 

 

 

- Terme « misérable » (l. 7) :

 

Exprime à la fois la douleur et la misère sociale.

 

Exclusion sociale.

 

Désigne aussi le péché, la bassesse morale : la vie misérable est celle du pécheur, du mécréant.

 

De nouveau, idée d’un personnage qui s’est dressé contre Dieu et en a été puni.

 

 

 

- Terme « languissante » (l. 7)

 

« Languir » : attendre la mort.

 

Des Grieux, dans une ultime inclination pécheresse, s’exclut volontairement de la vie.

 

 

 

- Adverbe « volontairement » (l. 7) : « je renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse »

 

L’exclusion de DG est volontaire. La mort de Manon, la marginale, pourrait marquer son retour dans la société, mais il fait le choix de demeurer dans la marginalité.

 

Contradictoire : il disait plus tôt que c’était une décision divine. DG refuse de se limiter à une finalité tragique en choisissant les circonstances de sa mort.

 

Se présenter comme le jouet du destin : serait-ce la posture d’un personnage qui se veut romanesque ?

 

 

 

III – L’enterrement, ou l’union des amants au-delà de la mort (§ 3)

 

 

 

- Possessif : « ma chère Manon » (l. 9) + assonance en [m] :

 

Lien indéfectible entre les deux amants, malgré la mort de Manon.

 

 

 

- Hyperboles : « plus de vingt-quatre heures la bouche attachée sur le visage […] de ma chère Manon » (l. 8-9) ; « après l’avoir embrassée mille fois » (l. 20)

 

Sensualité de la dernière étreinte : elle se fait pourtant dans la mort.

 

 

 

- Compléments circonstanciels de temps : « plus de vingt-quatre heures » (l. 8), « longtemps » (l. 22)

 

Opposition avec le récit de la mort (bref) : le récit de l’enterrement est long.

 

Des Grieux cherche à retarder le moment de la disparition définitive de celle qu’il aime.

 

 

 

- Autre hyperbole : « son corps serait exposé […] à devenir la pâture des bêtes sauvages » (l. 10-11)

 

Dramatisation du récit : Des Grieux transforme la mort de Manon en un événement pathétique et tragique pour susciter la pitié du lecteur.

 

 

 

- Anaphore lyrique du « je » : 7 phrases consécutives commencent par « je » (l. 17-22) :

 

Registre pathétique mettant en valeur la solitude de DG et un enterrement long et pénible.

 

 

 

- Symbole pathétique : « je rompis mon épée » (l. 17) :

 

Épée : symbole de la noblesse.

 

DG sacrifie sa noblesse à Manon. Ce sacrifice suppose également qu’il ne compte pas réintégrer sa classe sociale > il demeurera marginal et sans honneur (mort symbolique qui précède la mort effective).

 

 

 

- Groupe nominal qui sert de périphrase affective : « l’idole de mon coeur » (l. 18-19) :

 

« Idole » : dieu païen, à qui on rend des honneurs divins.

 

Parjure vis-à-vis du dieu chrétien : Manon est érigée par Des Grieux au rang de divinité.

 

La seule religion de Des Grieux est donc l’amour.

 

 

 

- Métonymie : « après avoir pris soin de l’envelopper de tous mes habits pour empêcher le sable de la toucher » (l. 19-20) :

 

« tous mes habits » = Des Grieux : Des Grieux, en recouvrant Manon de la totalité de ses vêtements, enterre une part de lui-même avec elle dans la fosse.

 

Symbole de son sacrifice total.

 

 

 

- Champ lexical de la passion : « embrassée », « ardeur », « parfait amour » (l. 20-21) :

 

Dernière étreinte des amants : elle est décrite avec précision et sensualité.

 

« Parfait amour » : renvoie à la « fin’amor » : en ancien français, cela signifie « parfait amour », et désigne l’amour du chevalier pour sa dame (le chevalier est le serviteur de sa dame).

 

Manière d’ériger son couple avec Manon comme un couple romanesque, dans la lignée de Tristan et Iseult.

 

 

 

- Imparfait de l’auxiliaire modalisateur de « résoudre » : « je ne pouvais me résoudre à fermer la fosse » (l. 22)

 

Longueur de l’enterrement : Des Grieux dilate le temps, pour retarder le moment où il évoquera la disparition définitive de Manon.

 

 

 

- Périphrase + répétition de l’adj. « parfait » : Manon est « ce qu’elle [la terre] avait porté de plus parfait et de plus aimable » (l. 24-25)

 

Idéalisation de Manon dans le cadre de l’éloge funèbre (construction superlative).

 

Relative périphrastique : « ce que » : pronom « ce » (neutre) → Manon n’est plus humaine > divinisation.

 

 

 

- Répétition de la volonté de mourir : « Mon dessein était d’y mourir » (l. 9) ; « j’invoquai le secours du ciel, et j’attendis la mort avec impatience » (l. 26-27)

 

Intensité de la souffrance : il appelle la mort, par communion avec Manon.

 

Mais refus du Ciel : châtiment supplémentaire. Des Grieux est condamné à vivre seul.

 

 

 

Conclusion

 

Nous avons apprécié dans cet extrait comment la narration sublime la mort d’une héroïne à la moralité controversée, avant de nous intéresser à la solitude de Des Grieux, et enfin à une inhumation paradoxale qui scelle l’union des amants malgré la mort. Nous pouvons conclure que le récit de Des Grieux réhabilite le personnage de Manon, et justifie la passion qu’il a eue pour elle.

 

L’émotion suscitée par la mort de Manon inscrit cette dernière dans la lignée d’héroïnes comme Iseult ou Juliette, mais ici, l’amant survit à la disparition de la femme qu’il a aimée, et donc, peut la faire revivre par ses mots : cette mort marque paradoxalement la naissance de Des Grieux narrateur homodiégétique (le narrateur est lui-même personnage de l’histoire qu’il raconte), et par conséquent celle du roman.

 

 


Question de grammaire

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